La recherche du futur

Écrit par Catherine Mathys le 21 février 2024

“The future of search on the web,” selon Midjourney. “The future of search on the web,” selon Midjourney.

Depuis des années, le moteur de recherche Google ou d’autres qui  lui ressemblent ont été notre porte d’entrée pour découvrir des sites web ou du contenu pertinent en ligne. On a du mal à imaginer le monde de la recherche qui ne serait pas dominé par Google. Et pourtant. Comme il y a eu un avant Google, il y aura sûrement un après Google. Et on commence peut-être à avoir une meilleure idée du type d’outils qui nous permettrait de chercher de l’information sur le web sans moteur de recherche. 

Une entreprise de New York qui s’appelle The Browser Company, a récemment lancé un nouveau type d’outil pour obtenir ce qu’on veut quand on va sur le web. Ça s’appelle Arc. Imaginez un hybride entre une plateforme conversationnelle et un engin de recherche. Vous demandez ce que vous voulez et c’est l’outil qui trouve les réponses pertinentes pour vous. 

Dans la nouvelle ère de recherche sur le web, on ne cherche plus, on demande. Depuis les débuts du web, on s’est habitués à trouver tant bien que mal les bons mots qui décrivent ce qu’on cherche et ensuite à trier les résultats dans des listes de liens qui ne finissent plus. Ça fait 30 ans qu’on cherche de l’information de la même manière et ça fait près de 20 ans que Google devance largement tous les autres concurrents.

Et pourtant, ça n’a pas toujours été le cas. Les premiers outils utilisés plus largement sont arrivés en 1993. La plupart des premiers moteurs de recherche, comme Alta Vista par exemple, fonctionnaient avec des mots-clés indexés dans les pages web et ils procédaient essentiellement à l’appariement des mots-clés recherchés. 

Google est arrivé en 1998. Le moteur n’a pas dominé tout de suite mais la croissance a été rapide. Il arrivait avec plusieurs éléments distinctifs dont une différence de taille. Il s’intéressait à la structure d’hyperliens d’une page. Plus on faisait référence à une page, plus elle faisait autorité sur une question donnée, et donc plus on était susceptible de la retrouver en priorité dans la liste. Ça et aussi bien sûr, la monétisation de la recherche avec les liens commandités. C’est tout de même ironique, parce que jusqu’en 2005, Google s’était opposé à laisser trop de place à la publicité dans ses résultats de recherche. On ne voulait surtout pas biaiser les résultats, disait-on. And the rest is history, comme disent les Anglais. 

Et même si c’est difficile d’imaginer une expérience sur le web sans Google, l’histoire des moteurs de recherche nous indique bien que les géants peuvent avoir des pieds d’argile. Prenez l’exemple de la guerre des fureteurs entre Netscape et Explorer. En 1995, Netscape dominait le marché avec 80% des parts de marché. Pour tenter de gagner des parts de marché, Microsoft qui était derrière Explorer, a signé des ententes exclusives avec des fabricants d’ordinateurs pour pré-installer Explorer sur tous les appareils vendus. L’avance quasi-insurmontable de Netscape a fondu comme neige au soleil. En 2003, c’est Explorer qui détenait 95% des parts de marché des fureteurs. Une grande avance qui sera par la suite remise en question avec Safari, FireFox, Opera et bien sûr Google. 

Alors est-ce que ce sera le “Google Killer”?

La question se pose. Mais plus généralement, la question qui est soulevée est la suivante: avons-nous encore besoin de fureteurs traditionnels dans un monde d’intelligence artificielle? On sait déjà que beaucoup de jeunes de la Génération Z utilisent TikTok ou Instagram comme outil de recherche, plutôt que Google. Le futur de la recherche en ligne est probablement plus conversationnel et social qu’il ne l’a été dans le passé. Par ailleurs, plusieurs autres moteurs de recherche IA, comme Perplexity AI, se font déjà remarquer et indiquent que les assises du passé sont peut-être en voie de changer.  

Cela dit, Google n’a peut-être pas dit son dernier mot. Le projet Google Magi a été lancé plutôt discrètement en mai 2023 en version prototypale limitée à un million d’utilisateurs américains. Ce qu’on en dit ressemble essentiellement à ce qu’on décrit avec Arc. On se situe dans les mêmes eaux avec un outil qui comprend mieux non seulement la requête mais le contexte de la requête. Certaines sources indiquent qu’une équipe de 160 personnes travaillent à temps plein sur Magi. Mais les nouvelles se font rares depuis le printemps 2023.  

Disons que le projet a pris une autre importance quand Google a eu vent des intentions de Samsung de mettre le fureteur Bing par défaut sur tous ses appareils. On sait que la nouvelle version de Bing a commencé à intégrer l’IA sur le mode conversationnel l’an dernier alors Google se devait de réagir pour maintenir son avance. Pour le moment, Samsung a reculé mais la situation de Netscape pourrait se reproduire. Recette éprouvée dont Microsoft a le secret. 

De son côté, Apple aimerait aussi réduire sa dépendance à Google en construisant son propre outil de recherche. Bref, la compétition dans cette nouvelle ère de moteur de recherche risque d’amener de nouveaux joueurs sur la patinoire. Sortez le popcorn!

Note: Réflexion issue d’une chronique sur le même sujet à Moteur de recherche.


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