Télescope

L’équipe de la Société des demains est constamment à l'affût de signaux du futur, ces bribes de possibilités et indices de changements. C’est ici, dans Télescope, que nous répertorions les signaux les plus utiles, ainsi que les tendances et conclusions que nous en dégageons. Que ce soit par l’infolettre du même nom – envoyée aux deux semaines – ou directement sur cette page, restez au courant de nos explorations.

« Bande de prairie » traversant un champ de soya. Crédit photo: Université de l'Iowa.

Télescope 32

Écrit par La Société des demains le 16 octobre 2024

Le projet Sid

« Nous construisons des machines dotées de qualités humaines fondamentales. Pour commencer, des amis qui peuvent jouer à des jeux vidéo avec vous. » C’est ainsi que la société Altera présente son projet d’agents IA. Outre la dérive sémantique et un peu d’hyperbole, cet article expliquant une partie de leur méthode est tout de même fascinant. Le projet se concentre sur la création d’agents dotés d’une « vie mentale riche », leur permettant de raisonner, de réfléchir et d’adapter leurs objectifs en fonction de l’évolution des circonstances. En outre, ces agents forment puis mettent à jour leurs modèles respectifs, facilitant ainsi des conversations et des interactions sociales réalistes. ◗ Toujours dans le créneau « personnage de synthèse », les mannequins de mode risquent le remplacement, particulièrement dans le domaine du commerce électronique.

BOB nous fait perdre le nord

Sympathique exercice de prospective avec un scénario fictif mais plausible (à vous de dire, on peut voter au bas de la page) où un satellite entre en collision avec un « Briseur d’Objets Baladeurs (BOB) » (un débris qui percute un satellite, par exemple un écrou ou un boulon). L’incident conduit à une crise de navigation GPS et la population doit se débrouiller sans cette technologie omniprésente. Des experts fictifs y décrivent les phases de sidération, d’enlisement et d’adaptation face à cette situation inédite, révélant à quel point notre dépendance au GPS affecte notre quotidien. ◗ Dans un processus de prospective exhaustif, il y aurait recherche de signaux, identification des tendances et des moteurs de changement, et ensuite, souvent, rédaction de scénarios selon la recherche et suivants certains paramètres. Le scénario ci-dessus serait un résultat possible.

Baseball Québec flirte avec la réalité virtuelle

Les signaux du futur ne proviennent pas toujours de notre propre domaine, au contraire, d’où l’intérêt de porter attention à une grande variété de sujets et de voir émerger les idées d’un peu partout. Bel exemple ici, alors que Baseball Québec explore l’utilisation de la réalité virtuelle pour aider les frappeurs à mieux percevoir la vitesse et la trajectoire des lancers. Les chercheurs estiment que cette technologie pourrait offrir des répétitions précieuses et réalistes, en particulier pour les joueurs élite. Bien que des tests supplémentaires soient nécessaires, il semble que les casques de réalité virtuelle pourraient bientôt être intégrés dans l’entraînement du baseball mineur au Québec. ◗ Autre exemple: le gardien du Canadien de Montréal, Samuel Montembeault, a travaillé sur son « GPS interne » avec un simulateur.


◗ Cachés dans les champs de maïs du Midwest, de minuscules édens fleurissent, alors que des agriculteurs de la région tentent de restaurer des prairies. L’objectif est de réduire le ruissellement des nutriments provenant des terres cultivées et d’aider les oiseaux et les abeilles. » L’Université de l’Iowa a partagé de magnifiques images de cette technique.

Des citrons et des oranges… du Québec! Mattéo Picone cultive plus de 12 sortes de fruits tropicaux et locaux biologiques dans ses serres à Saint-Cuthbert, au Québec, avec l’objectif d’offrir des paniers de fruits et légumes bios aux familles. Il plaide également pour une meilleure autonomie alimentaire au Québec pour répondre aux changements climatiques, soulignant l’importance de développer des productions locales malgré les difficultés financières. 

◗ Dérives du capitalisme de surveillance; insuffisante prise de responsabilité par les dirigeants des réseaux sociaux; contenus utilisés sans vergogne et sans permission pour entraîner des modèles de Grand modèle de langage (IA). Les excès de grandeur et comportements peu honorables de certains bonzes de la Silicon Valley ne sont pas nouveaux. À ajouter à la liste: ce procès intenté par les promoteurs d’une « ville start-up », qui pourrait entraîner la faillite du Honduras, rien de moins.


L’éditorial de la semaine

Photo par Christian Keybets sur Unsplash.

Revoir les modèles des réseaux sociaux

Écrit par Éveline Olivier le 16 octobre 2024

Dans un article publié dans La Presse en septembre dernier, Alain McKenna présente divers réseaux sociaux, dits «meilleurs», créés comme alternatives répondant à des besoins qui ne sont pas, ou plus, comblés par les plateformes actuelles. L’acquisition de X (autrefois Twitter) par Elon Musk en octobre 2022 et le blocage médiatique de Meta au Canada en août 2023 semblent avoir affecté la manière dont les utilisateur.rice.s perçoivent ces réseaux, ces événements devenant catalyseur du développement d’options plus adaptées. 

Miser sur les petits groupes

En jetant un œil sur l’offre actuelle de réseaux sociaux, l’on se confronte à une  hégémonie formée d’emblématiques géants, Facebook et Instagram (Meta), Youtube (Google), LinkedIn (Microsoft), TikTok (ByteDance) et X pour ne pas les nommer. Certain.e.s expert.e.s réfèrent à ces réseaux dits mainstream en les qualifiant de Dark Forest, théorie d’abord présentée par Yancey Strickler en 2019. Cette forêt sombre de l’internet, peuplée de prédateurs (les publicitaires, les trolls, les faux comptes, etc.), causerait le mutisme d’utilisateur.rice.s qui n’osent pas prendre position dans ces espaces, préférant se réfugier vers des lieux privés, dits « souterrains», pour s’exprimer.  « Pour survivre, les animaux restent silencieux ». 

Ainsi, lorsque l’on observe où ces gens qui restent silencieux sur les plateformes telles Facebook et X, s’expriment, il est possible de découvrir un écosystème vibrant sous cette forêt sombre. Ces individus se rassemblent en petits groupes dans plusieurs espaces de discussion, plus intimes et près de leurs intérêts, que ce soit sur Discord, dans un canal Slack, via une infolettre ou au sein de groupchats. Ces espaces formeraient le Cozy Web, terme désigné par Venkatesh Rao de manière complémentaire au Dark Forest Theory. Ce concept désigne un espace mené par de petites communautés où il serait possible pour des personnes ayant des intérêts et des opinions communs d’échanger par le biais de « flux de discussion » non filtrés pas des algorithmes et à l’abri d’intérêts capitalistes et politiques. Ces endroits accueillent des discussions, mais deviennent aussi des lieux de partage d’informations et de nouvelles. Ils permettent une connectivité accrue entre les utilisateurs et un plus grand respect de la vie privée, actuellement minée par l’utilisation des données opaque des grandes plateformes. 

Ce mouvement privilégiant les petits groupes et un esprit de communauté percole dans la création de réseaux sociaux qui divergent de l’offre mainstream. Le Front Porch Forum (FPF) représente un exemple « à succès » de réseau misant sur une approche de groupe restreint. Lancée au Vermont en 2006 dans une optique communautaire, FPF est d’abord créée pour permettre une cohésion au sein de voisinages. Le réseau regroupe aujourd’hui une multitude de forums locaux permettant aux gens d’une même communauté d’échanger. La modération du contenu et l’identification par adresse civique requise contribuent à la création d’une communauté où l’absence d’anonymat favorise le sentiment de confiance.  

Au Canada, Village Media, une entreprise ontarienne spécialisée en journalisme communautaire, a développé Spaces, un réseau social qui sera lancé d’ici la fin octobre. Dans une approche similaire à FPF, Spaces propose la création de communautés menées et modérées par des hôtes locaux bénévoles. Au sein de celles-ci, plusieurs espaces seront créés pour partager de l’information d’actualité en fonction des intérêts des utilisateur.rice.s. Le réseau social souhaite donc inclure des fonctionnalités similaires à celles des grandes plateformes en misant sur la création d’un engagement permis par les regroupements locaux et la modération humaine. 

Revoir les modèles d’affaires

D’autres initiatives tentent de reproduire un réseau social dont le format s’inspire des géants présentement en place, mais dont le modèle d’affaires diverge de l’approche capitaliste. C’est d’ailleurs ce que propose le réseau social La nouvelle place, de son titre de travail, en adoptant la forme d’une coopérative de solidarité qui, selon son idéateur Steve Proulx, représenterait une innovation en termes de modèle d’affaires. Les utilisateurs auront ainsi l’opportunité de devenir membres, obtenant un vote et pouvant exercer un pouvoir stratégique sur la gestion de la plateforme, notamment sur la manière dont les algorithmes seront développés. Le projet qui devrait être lancé en 2026 se veut une «initiative citoyenne» sans but lucratif qui amène à revoir la manière dont on pense les réseaux sociaux. 

Officiellement constituée le 27 août dernier, la coopérative se positionne d’abord comme répondant au besoin créé par le blocage des nouvelles par Meta, en souhaitant mettre de l’avant une première version sous forme de réseau social d’actualité, à la manière de X. Dans un deuxième temps, l’idéal derrière cette initiative est la création d’une « place publique », un réseau social qui favorise le « bien commun ». Dans une présentation du projet, Steve Proulx décrit la Nouvelle place comme un projet de société. Pour ce dernier, « les réseaux sociaux sont trop importants pour être laissés au marché », ces plateformes impactant notre vision du monde. Le développement d’algorithmes de visibilité transparent, une modération humaine et une gestion prudente des données des utilisateurs comptent parmi les priorités du projet. 

La nouvelle place bénéficie de la contribution de multiples experts et est attendue par plusieurs. En effet, le réseau reçoit l’appui de joueurs importants, notamment de Télé-Québec et du ministère de la Culture et des Communications. 

Quelle place pour ces nouveaux réseaux sociaux?

Le succès de ces plateformes dépendra d’une part de la volonté des utilisateur.rice.s à y adhérer. Toutefois, comme le souligne dans un article la professeure agrégée de l’Institut de communication, de culture, d’information et de technologie de l’Université de Toronto, Bree McEwan, « les gens ont-ils envie d’utiliser une autre plateforme de médias sociaux? ». La fatigue des utilisateur.rice.s ne saurait-elle pas freiner l’adoption d’une énième plateforme? L’engagement créé par ces réseaux pourrait répondre à cette question, comme il est possible de l’observer par le cas du FPF. Ainsi, le développement et la multiplication des petites alternatives communautaires pourraient-ils signifier la fin de la sombre forêt des GAFAM? 

Le financement de ces réseaux reste aussi un élément primordial pour assurer leur fonctionnement et leur pérennité. Plusieurs alternatives présentées sont sans but lucratif et dépendent à la fois de subventions, de dons, de commandites, de publicités et de montants versés par les utilisateur.rice.s. Les bailleurs de fonds détiennent ainsi un pouvoir par le versement de sommes vitales pour alimenter les activités, ce qui ne réussit pas à éliminer l’influence politique et économique qui affectent les réseaux sociaux. Il est à se demander comment ces projets réussiront à réellement refléter les besoins de leurs utilisateur.rice.s en conjuguant avec les pressions des agendas des entités impliquées dans leur soutien.


L’infolettre de la semaine

« Tourisme protopique » selon Midjourney.

Télescope 31

Écrit par La Société des demains le 2 octobre 2024

Le tourisme le plus radical, rester chez soi

Entretien avec Aude Vidal, anthropologue, ou on aborde la transformation du tourisme en une économie de consommation rapide, mettant en lumière la tendance à « collectionner » les destinations au détriment de leur exploration approfondie. Elle souligne que 1 % de la population mondiale est responsable de 50 % des émissions de CO2 du transport aérien, ce qui remet en question les solutions actuelles pour réduire l’impact environnemental du tourisme, souvent inefficaces. De plus, les pratiques de tourisme « éthique » profitent principalement à la classe bourgeoise, qui cherche à se distinguer des autres voyageurs, souvent perçus comme responsables du surtourisme. Finalement, elle évoque que la forme de tourisme la plus radicale serait de rester chez soi, en redécouvrant et en sublimant notre quotidien, tout en plaidant pour une réorganisation du temps de travail afin de favoriser des activités plus significatives.

Pour améliorer le système de santé grâce à l’IA

Nous l’avons déjà mentionné, l’arrivée de l’IA ne remplacera pas nécessairement des « jobs » mais plutôt des tâches. Ces trois initiatives dans le réseau de la santé québécois – qui ont pour but de faire face au vieillissement de la population – en sont de bons exemples. On retrouve un rédacteur automatisé de notes cliniques (avec révision et approbation humaine); une application d’optimisation de routes pour les personnes donnant des soins à domicile; et un outil d’aide à la décision qui « prédira le volume d’appels quotidiens à 24 heures, une semaine et quatre semaines d’avis ». Dans chaque cas, on parle ici d’une augmentation des capacités, tout en conservant la validation et la décision finale aux responsables dans le but de délester leur charge de travail.

Les protopies, nouvel horizon pour les scénaristes

Taryn O’Neill invite les scénaristes à dépasser les récits dystopiques et à adopter le concept de protopie, qui envisage un monde progressivement meilleur qu’aujourd’hui. Selon elle, si les récits dystopiques peuvent être divertissants, ils conduisent souvent à un sentiment de fatalité, alors que les récits protopiques mettent l’accent sur la résilience, l’action collective et le potentiel de changement positif. O’Neill encourage les scénaristes à imaginer des avenirs pleins d’espoir, à explorer les technologies émergentes et à aborder les questions sociétales urgentes sous l’angle de la possibilité plutôt que du désespoir.


L’IA générative et la connaissance. Julian Stodd réfléchit à l’impact profond de l’IA générative sur notre relation avec la connaissance, suggérant qu’elle libère la curiosité et recontextualise la création de sens. Il identifie les caractéristiques clés de cette évolution, telles que les moteurs dialogiques qui permettent une exploration en solo sans jugement social, et la récupération agentique qui élargit les frontières de la connaissance.

Il était une fois l’avenir. Très bel exemple de prospective et de design fiction ou vous êtes invités à plonger dans le futur et à explorer New York dans 50 ans. On y trouve une société qui ne se contente pas de faire circuler l’argent, mais qui offre à touste une vie agréable. Dans ce scénario de bond en avant, la ville de New York s’appuie sur son énergie débridée, son innovation et son optimisme pour devenir un modèle de résilience climatique urbaine.

Barcelone transforme les rames de métro en centrales électriques. Chaque fois qu’un train s’arrête en douceur, l’énergie générée par tous ces frottements est convertie en électricité, qui passe par des inverseurs et est distribuée dans l’ensemble du réseau de métro. Un tiers de cette électricité alimente les trains ; le reste alimente les équipements des stations et un réseau croissant de chargeurs de véhicules électriques.


L’éditorial de la semaine

Photo par Adarsh Chauhan sur Unsplash.

Est-ce le début de la fin de Google?

Écrit par Catherine Mathys le 2 octobre 2024

Le 5 août 2024 est un jour historique. Un juge américain a décidé que Google avait agi illégalement pour écraser ses concurrents et maintenir un monopole sur la recherche en ligne. Les États-Unis ont affirmé que Google payait des dizaines de milliards de dollars par an pour qu’Apple, Samsung, et d’autres pré-installent Google comme moteur de recherche par défaut sur toutes les plateformes.

C’est un coup dur pour Alphabet, la société mère de Google, et ce n’est pas terminé. Un deuxième procès antitrust opposant Google au ministère américain de la Justice a débuté le 9 septembre. Cette fois-ci, c’est la publicité qui est au cœur de l’histoire. Est-ce que Google a illégalement monopolisé le secteur de la publicité numérique? L’affaire pourrait avoir des implications considérables parce que bien sûr, la publicité est la principale source de revenus de Google mais aussi pour bien d’autres acteurs numériques. 

Contrairement au premier procès, le ministère de la Justice cherche des solutions spécifiques qui obligeraient Google à démanteler certaines parties de ses activités et à céder une partie de sa technologie publicitaire. Les éditeurs de sites Web qui cherchent à gagner de l’argent grâce à la publicité s’appuient sur cette technologie pour agir comme une sorte d’intermédiaire, permettant aux sites de vendre des publicités sur leurs pages et aux annonceurs d’acheter de l’espace publicitaire pour atteindre des clients potentiels. Google s’accapare alors d’une part importante des dollars publicitaires des deux côtés.

Comment Google est devenu la référence

L’analyste Benedict Evans dit que le monde de la recherche en ligne est pris dans dans un cercle vicieux. Tout le monde utilise Google parce que ce moteur donne les meilleurs résultats, et il a les meilleurs résultats parce que tout le monde l’utilise, et il a donc l’argent à investir pour obtenir des résultats encore meilleurs. 

À cela s’ajoute l’ampleur de l’infrastructure nécessaire pour indexer et analyser l’ensemble du Web (Apple estime que cela coûterait 6 milliards de dollars par an pour égaler Google, en plus de ses dépenses existantes en matière de recherche et d’indexation), ce qui empêche les startups financées par du capital de risque d’entrer sur le marché. Et même si elles en avaient les moyens, elles n’auraient pas le volume de requêtes de Google et donc elles n’auraient pas la qualité des résultats de Google. Dans le monde de la technologie, cela s’appelle un effet de réseau ; en économie, ça s’appelle un monopole.

Mais Benedict Evans indique que le premier procès met en lumière un deuxième cercle vicieux: tout le monde utilise Google parce que c’est l’option par défaut, c’est l’option par défaut parce que c’est le meilleur et parce que Google verse à d’autres entreprises technologiques des milliards de dollars par an en parts de revenus sous forme de « coûts d’acquisition de trafic » pour en faire l’entreprise la plus performante.

En 2022, Google a versé à Apple environ 20 milliards de dollars (environ 17,5 % du bénéfice d’exploitation d’Apple et une part des revenus de 36 %) en plus des autres milliards versés aux autres entreprises. Ce que ça veut dire, c’est qu’au États-Unis, 50 % des recherches ont lieu sur des plateformes pour lesquelles Google a un contrat qui place son produit par défaut. Or, on le sait bien, à moins que l’option par défaut soit terrible, on la garde. Surtout que dans le cas de Google, l’option était souvent meilleure, pour les raisons qu’on vient d’évoquer. 

L’histoire se répète (encore)

Nicholas Thompson, le rédacteur en chef de The Atlantic, a fait une petite vidéo sur LinkedIn récemment pour montrer les parallèles qu’on peut faire entre le procès antitrust de Microsoft en 1998 et celui de Google cette année. D’ailleurs, dans le dans la décision de 277 pages rendue en août par le juge Amit Mehta, on mentionne Microsoft 266 fois

Dans le cas de Microsoft, le tribunal a jugé que l’entreprise monopolisait les systèmes d’exploitation – en partie grâce à des accords exclusifs illégaux avec des fabricants d’ordinateurs et des fournisseurs d’accès Internet – et a ordonné sa scission en deux entités. Tous les accords de Microsoft ont contribué à maintenir les concurrents, comme Netscape, ou tout autre rival, dans une position inférieure. C’est exactement ce qui se passe avec Google, les accords de distribution de Google ont limité le volumes de requêtes de ses concurrents, mettant Google à l’abri d’une véritable menace concurrentielle.

Microsoft a fait appel de la décision et le département de la justice a fini par s’entendre avec elle en 2001. Le règlement a interdit à l’entreprise de conclure des accords avec des fabricants de PC et des fournisseurs d’accès Internet. Il a également obligé Microsoft à partager des parties de son code source alors privé avec d’autres développeurs de logiciels afin qu’ils puissent rendre leurs applications disponibles sur Windows.

Le ministère de la Justice n’a pas encore proposé de remède aux actions de Google, ce qui devrait venir en août 2025. Une variété de résultats sont possibles, mais plusieurs s’attendent à voir une interdiction des accords de distribution exclusive de Google, compte tenu de l’issue de l’affaire Microsoft.

Est-ce qu’on pourrait (enfin) voir apparaître de nouveaux moteurs de recherche?

À l’époque, l’accord conclu entre Microsoft et la justice américaine avait marqué le début de la fin de son navigateur autrefois dominant, Internet Explorer. On ne sait pas si l’on peut en dire autant de la recherche Google, qui a jusqu’à présent réussi à tirer son épingle du jeu. Mais la question se pose: est-ce que Google va connaître le même sort qu’Internet Explorer?

En tous cas, une interdiction des accords exclusifs de Google saperait sa domination et permettrait à des concurrents d’émerger, surtout à un moment de l’histoire où l’IA revampe notre manière de faire des recherches sur le web. OpenAI a récemment dévoilé son propre moteur de recherche, SearchGPT. D’autres, comme Arc Search sont également dans la course et il y en aura sûrement d’autres. Certains évoquent la possibilité qu’Apple puisse développer son propre moteur de recherche mais c’est peu probable, en tous cas, pas sur le modèle classique du moteur de recherche. N’oublions pas qu’Apple risque de devoir se passer du petit chèque de 20 milliards par année de Google. 

L’histoire récente des technologies nous montre que tout est cyclique et que les géants de la recherche en ligne finissent par tomber au profit de plus petits qui deviennent ensuite des géants et ainsi de suite. Est-ce que le passé nous donne à nouveau un aperçu d’un futur possible?


L’infolettre de la semaine

Au mois d’août, le parc national du Bic a accueilli la première école d’été en éducation environnementale. ©Stéphane Lizotte pour l’UQAR

Télescope 30

Écrit par La Société des demains le 18 septembre 2024

Les plages du Bic transformées en salle de classe 

Inventer le futur, ça ne se fait pas seulement dans l’abstrait, mais aussi par de beaux projets qui regardent en avant. Au mois d’août dernier, le parc national du Bic a accueilli la première école d’été en éducation environnementale, organisée par l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Pendant une semaine, 10 enseignant.e.s et 12 étudiant.e.s dans le domaine ont participé à des ateliers pédagogiques, alliant théorie et pratique, pour aborder le rôle de l’éducation environnementale dans un contexte maritime. Catherine Simard, l’une des initiatrices du programme, souligne l’importance d’appliquer ces apprentissages en classe et de soutenir les enseignant.e.s par des groupes de discussion. Malgré les défis liés au temps et aux ressources, les enseignant.e.s, comme Dany-Kate Barriault, continuent de chercher des solutions pour intégrer des activités en plein air et renforcer le lien des élèves avec la nature.

Remettre les imaginaires au service du design fiction

Le terme « Design Fiction » est souvent utilisé pour l’élaboration de fictions ou de scénarios de prospective, mais ce n’est pas sa vraie définition. Cette approche se situe à l’intersection du réel et de l’imaginaire, en concevant des objets qui incarnent des mondes futurs, plutôt que de simplement raconter des histoires à leur sujet. L’exploration des imaginaires et la création de récits, quant à eux, permettent de mieux comprendre les peurs et les espoirs liés à la technologie. Cet article de L’atelier des futurs clarifie la distinction entre ces pratiques et met en lumière leurs rôles et avantages.

Pour mieux comprendre la transition énergétique

La transition énergétique, particulièrement considérée au niveau mondial, est complexe à bien saisir. Ces deux articles apportent un éclairage intéressant sur certains enjeux. Le premier, au New York Times, évoque la révolution de l’énergie solaire, soulignant que d’ici 2030, l’énergie solaire devrait être essentiellement gratuite pendant les périodes d’ensoleillement dans la majeure partie du monde. L’accent sera alors mis sur le stockage et le transport de l’énergie, ouvrant ainsi la voie à l’indépendance énergétique des pays et au remodelage de leur économie.

Côté extraction, ce numéro de Distilled affirme que le passage à une énergie propre signifie que nous n’aurons plus à extraire de grandes quantités de combustibles fossiles. Ce sont présentement 15 milliards de tonnes de combustibles fossiles qui sont extraites chaque année. Cela représente environ 535 fois plus d’extraction que ce que nécessiterait une économie basée sur les énergies propres en 2040. Notons qu’il existe un certain nombre de contre-arguments, mais l’échelle de comparaison est tout de même utile.


Quand les start-ups produisant des véhicules électriques ferment leurs portes, leurs voitures fonctionnent-elles encore ? Alors que certains constructeurs automobile chinois ont fait faillite, les propriétaires de ces véhicules électriques ont perdu leur accès aux mises à jour des applications pour téléphones intelligents et même certaines fonctions de conduite. Les frustrations des conducteurs soulignent les risques plus larges des « smartphones sur roues », dont la fiabilité dépend de la maintenance et des mises à jour des logiciels.

L’intelligence artificielle rendra-t-elle l’industrie verte ? Pas vraiment, mais certains projets ont quand même du potentiel: optimisation logistique, détection de défauts de fabrication, prévisions avancées, etc. Cette intersection de domaines est à suivre, mais en gardant toujours un œil grand ouvert pour détecter l’éco-blanchiment.

◗ Dans l’univers de la réinvention du domicile, on connaissait déjà le coliving et les maisons multigénérationnelles. CoAbode s’adresse au créneau des mommunes, ces groupes de femmes monoparentales qui choisissent de joindre leurs forces et d’élever leurs enfants ensemble. La plateforme leur permet de trouver d’autres familles pour partager appartements, maisons, voitures, épiceries, et évidemment, l’entraide entre parents.


L’éditorial de cette semaine

Des outils d'IA sont en phase de tests en ce moment dans un collège privé de Montréal. (Photo d'archives) Photo : iStock / SolStock

À quoi ressemblera l’École de demain ?

Écrit par Marianne Richard le 18 septembre 2024

À mesure que l’excitation de la rentrée scolaire s’estompe, élèves, parents, professeurs et personnel de soutien se réapproprient peu à peu leur routine. Cette accalmie représente le moment idéal pour réfléchir à l’évolution du système éducatif québécois et à la direction que nous aimerions collectivement le voir emprunter.

Dans un article datant de 2021, le World Economic Forum a proposé quatre scénarios d’évolution probables pour l’éducation au cours des deux prochaines décennies. Ces scénarios explorent diverses possibilités : une prolongation de la scolarité traditionnelle avec une individualisation accrue pour répondre aux besoins de l’industrie 4.0 ; la sous-traitance de l’éducation à des systèmes privatisés et flexibles ; des écoles transformées en centres d’apprentissage communautaire ; et un modèle d’apprentissage continu qui élimine la conception traditionnelle de la salle de classe au profit des apprentissages informels, résultant d’une autonomisation ubiquitaire de la société.

L’école complètement tech!

Tous ces futurs potentiels reposent sur une utilisation croissante des technologies, allant de l’intégration accrue d’outils technologiques en classe (réalité virtuelle, Internet des objets, etc.) à une société où l’automatisation rendrait obsolètes de nombreux apprentissages actuels.

Il n’est guère étonnant que les scénarios pour l’éducation de demain débordent d’espoirs high-tech lorsque l’on réalise que les technologies s’invitent déjà dans les modèles éducatifs actuels. Pensons par exemple à la mise sur pied par le conseiller pédagogique Stéphane Côté du robot conversationnel Emilia, alimentée par OpenAI, visant à assister les professeurs dans leurs corrections, ou encore à l’exigence d’un ordinateur personnel pour les étudiant.es dans la majorité des écoles secondaires privées de la province. La pandémie a rendu l’enseignement en ligne plus accessible que jamais, matérialisant l’idée d’une éducation décentralisée et délocalisée. Plus près de moi, un ami enseignant utilise la version éducative du jeu vidéo Minecraft en réalité virtuelle afin d’aider ses élèves à visualiser le concept de seigneuries1

Mais si ces scénarios sont possibles et même probables, sont-ils réellement souhaitables ? L’école, ce lieu des premières rencontres prenant une si grande place dans le développement cognitif et émotionnel des jeunes, devrait-elle réellement devenir virtuelle ? Plus fondamentalement, à l’ère des IA génératives, quelles connaissances et compétences – savoir-faire et savoir-être – devrait-elle transmettre ? 

Depuis le siècle dernier, l’école avait pour mission de préparer les prochaines générations au marché du travail. Étant donné les transformations radicales de ce marché, il est logique d’adapter les compétences enseignées. En 2022, la Commission des partenaires du marché du travail a élaboré le Référentiel québécois des compétences du futur, où les compétences non-techniques (soft-skills) telles que l’autonomie et la gestion du changement sont prépondérantes. Ce référentiel souligne déjà un décalage entre le cursus actuel et les compétences nécessaires.

Mais allons encore plus loin : si l’autonomisation permet d’atteindre des gains massifs en productivité et de réduire considérablement les semaines de travail, quel rôle pourrait alors jouer l’école ?

L’école pour le bien commun

Dans son livre The Next 100 Years, Pavel Luksha, fondateur et directeur du groupe de réflexion Global Education Futures, propose que pour réellement repenser le système éducatif, il faut s’interroger sur notre vision globale de la société de demain. Avant de déterminer comment former les futures générations, il est primordial d’avoir une vision claire de ce que nous souhaitons pour demain !

Ainsi, Luksha suggère qu’une réelle refonte du système éducatif passera premièrement par la construction d’une vision commune et unifiée du futur, vision pour le moment absente des processus décisionnels entourant le modèle éducatif québécois. 

L’auteur avance tout de même quelques pistes de réflexion : l’école pourrait par exemple apprendre l’art du dialogue et de la pensée critique, permettant aux individus d’acquérir les compétences nécessaires pour adopter des perspectives diverses et communiquer efficacement entre eux. Les écoles deviendraient donc des « refuges » de la libre pensée invitant aux discussions constructives et ouvertes. Luksha évoque aussi l’idée d’un système éducatif basé sur l’empathie à tous les niveaux, mettant l’accent sur la promotion d’une culture de non-violence et contribuant à créer des sociétés, où l’harmonie et le respect d’autrui prône. 

Si ces suggestions semblent relever de l’utopie, je crois réellement qu’il faut savoir rêver grand pour imaginer de nouveaux futurs. Si la forme et les modalités de l’école ont été appelées à changer, il serait illusoire de penser que sa vocation est pour sa part immuable. 

Trouver cette nouvelle vocation est un défi de taille. Le mathématicien Stephen Wolfram proposait récemment d’inclure des philosophes lors des réflexions entourant l’IA – peut-être gagnerions-nous à en inclure un peu partout ?


1Notons que Minecraft est utilisé depuis longtemps dans le milieu éducatif. Un article de Radio-Canada datant de 2015 faisait mention de l’utilisation du logiciel dans plusieurs pays en contexte scolaire. C’est donc l’ajout du volet  réalité virtuelle qui est ici souligné (et le bon travail de mon ami par le fait même).

L’infolettre de la semaine

Wang Xiuting discute avec son petit ami virtuel sur Wantalk — un chatbot IA créé par l’entreprise technologique chinoise Baidu — sur son téléphone à Pékin.

Télescope 29

Écrit par La Société des demains le 5 septembre 2024

Prospective, retour aux fondamentaux pour mieux anticiper

La prospective vise à étudier des futurs possibles afin d’identifier des opportunités et de mieux comprendre les tendances et les incertitudes. Dans cet article, Olivier Desjeux explore l’importance de comprendre les fondements du passé pour anticiper l’avenir, soulignant qu’il n’est pas possible de réfléchir de manière utile et créative sans cette connaissance. Inversement, il montre également que les prévisions basées sur les évolutions passées peuvent être dangereuses, car elles risquent de ne pas tenir compte des changements imprévus. Enfin, il souligne que la créativité et l’ouverture aux idées nouvelles sont essentielles pour élargir le champ des possibles, tout en reconnaissant que le succès repose sur une solide compréhension des principes fondamentaux.

Un documentaire qui a le pouvoir de changer le cinéma

Réalisé par Gary Hustwit à l’aide d’un logiciel spécialement conçu à cet effet, Brain One (un anagramme de Brian Eno), le documentaire sur Brian Eno propose une approche novatrice de la réalisation en créant des versions uniques du film pour chaque projection. Ce documentaire génératif remet en question les notions traditionnelles de narration précise, car il présente une exploration non linéaire et en constante évolution de la vie et de l’œuvre d’Eno. Seulement 25 % du contenu étant fixe, le film évolue continuellement, de nouvelles scènes étant ajoutées et affinées au fil du temps, ce qui lui permet de rester dynamique et captivant. Le film redéfinit ainsi la manière dont les documentaires peuvent être vécus et compris à l’ère numérique.

Mythes sur la mise à l’échelle de l’IA

Relativement technique, cet article sur les mythes de mise à l’échelle de I’IA a l’avantage, justement, d’y aller avec des arguments basés sur ladite technique, contrairement à plusieurs qui prennent l’approche du dénigrement ou de la comparaison sur les formes d’intelligence. En résumé, bien que les modèles de plus grande taille aient permis d’améliorer les capacités de l’IA, les auteurs affirment qu’il y a des limites à la mise à l’échelle en raison de facteurs tels que la disponibilité et la qualité des données d’entraînement. Ils expliquent également que l’industrie s’oriente d’ores et déjà vers le développement de modèles plus petits qui sont entraînés plus longtemps pour optimiser les performances, plutôt que d’augmenter simplement la taille des modèles.


À Laval, un couvent se transforme en village communautaire. Par chance, le patrimoine religieux ne finit pas toujours en condo de luxe. Beau projet à Laval qui s’inscrit bien dans les besoins grandissants de repenser les bâtiments existants et de renforcer le tissu social et les organismes de soutien. « Avant, je voulais sauver le patrimoine bâti, mais là, je veux sauver le patrimoine humain, social et collectif. »

Personne n’est prêt à cela. « Une explosion sur le côté d’un vieux bâtiment en briques. Une bicyclette accidentée dans un carrefour. Un cafard dans une boîte de plats à emporter. Il m’a fallu moins de 10 secondes pour créer chacune de ces images avec l’outil Reimagine de l’éditeur magique du Pixel 9 (Magic Editor). Elles sont nettes. Elles sont en couleur. Elles sont d’une grande fidélité. Il n’y a pas de flou d’arrière-plan suspect, pas de sixième doigt révélateur. Ces photographies sont extraordinairement convaincantes, et elles sont toutes extrêmement bidons. »

◗ Habituellement, Télescope tente de rester relativement positif, mais parfois un petit détour dystopique peut aussi faire réfléchir. À moins que ces exemples ne soient pas dystopiques pour vous? Nous serons heureux de vous entendre si c’est le cas. Des jeunes femmes chinoises se tournent vers les petits amis IA qui sont, semble-t-il, « mieux que les vrais hommes »; la rentrée des classes en toute discrétion pour les parents? Envoyer les enfants à l’école dans une voiture autonome Waymo; finalement, des policiers ont commencé à utiliser des chatbots d’IA pour rédiger des rapports de crime. Ceux-ci tiendront-ils la route devant les tribunaux ?

L’appartement low-tech, à Boulogne-Billancourt © Corentin de Chatelperron / Biosphere Experience

Télescope 28

Écrit par La Société des demains le 21 août 2024

Télescope est de retour! Nous espérons que vous passez un bel été plein de siestes et de pauses fraîcheur. Pour une fois, comme il s’est écrit beaucoup de belles choses pendant notre absence, il y a quatre articles principaux dans ce numéro, ce qui nous permet de vous en proposer deux de chez Usbek & Rica.


On a visité l’appartement low-tech du futur

Fascinante expérimentation d’un mode de vie low-tech dans un appartement de 26 mètres carrés à Boulogne-Billancourt en bordure de Paris. L’objectif global est d’atteindre les critères de durabilité de l’ONU en matière de gaz à effet de serre, soit moins de 2 tonnes de CO₂ par an et par personne, de manière accessible et agréable. Le projet inclut la culture de champignons, la récupération de l’eau de douche pour nourrir des plantes en bioponie, et un système de toilettes « vivantes » qui transforme les déchets en compost grâce à des larves de mouches. Pour l’alimentation, ils s’approvisionnent en produits bio et locaux, avec un budget de 6 euros par jour et par personne. 

+4° C : La prospective aussi doit s’adapter

L’auteur propose d’adapter la prospective face aux défis écologiques contemporains, notamment en raison de l’accélération des phénomènes climatiques qui remettent en question les modèles prédictifs traditionnels. Pour naviguer ces incertitudes, il devient essentiel de prioriser certains risques et d’identifier des opportunités afin de réorienter proactivement les organisations vers des espaces plus sûrs. De plus, une approche intégrant les sciences sociales est nécessaire pour établir un réseau de variables qui enrichira les scénarios prospectifs, tout en tenant compte des interactions complexes entre le système terrestre et les sociétés humaines. Autrement dit, il s’agit d’orienter des processus prospectifs non seulement vers des horizons de temps, mais aussi vers des hypothèses climatiques (+4° C par exemple).

La liminalité automatisée

Article intriguant concernant l’utilisation des LLM (grand modèle de langage) dans la prospective et la recherche sur les futurs. Les auteurs proposent que ces disciplines, « identifiées comme interdisciplinaires et intrinsèquement liminales », intègrent « les “hallucinations” ou les inexactitudes des LLM et qu’elles soient redéfinies comme des scénarios imprévus apportant des contributions cruciales aux visions de l’avenir ». En d’autres termes, leur altérité et leurs « mauvaises » réponses peuvent être une fonctionnalité, et non un bogue, en nous aidant à trouver des idées originales dans le cadre de projets de prospective.

Les trois C des données à l’ère de l’IA

Eryk Salvaggio propose trois aspects clés à considérer pour les données à l’ère de l’IA : le contexte, le consentement et le contrôle. Il évoque les difficultés à traduire dans un cadre juridique les émotions citoyennes suscitées par l’IA, la nécessité de mettre en place des politiques donnant la priorité au contrôle individuel de l’utilisation des données, et explique ses préoccupations quant à la perte de contrôle des données personnelles dans les systèmes d’IA. Salvaggio plaide en faveur de l’établissement de normes protégeant les droits relatifs aux données et encourageant la transparence dans les pratiques.


Les films de science-fiction ont changé depuis les années 50. Dans cet essai visuel, Alvin Chang montre comment les films de science-fiction sont devenus plus sombres et plus complexes depuis les années 1950, époque à laquelle de nombreux films se déroulaient dans le présent et présentaient une menace existentielle claire qui était ensuite surmontée.

Le design est politique. « Chaque choix, qu’il soit mineur ou profond, esthétique ou structurel, fonctionnel ou architectural, aura des conséquences sur notre rapport à l’outil et peut avoir des effets sociaux. Ainsi, chaque choix doit s’appuyer sur des intentions, principes et valeurs clairement affirmés. » 

◗ Superbe vision d’une UQAM qui s’ouvrira à la population bigarrée du Quartier latin. Le projet Métamorphose aspire à en faire un « quartier apprenant », reliant la vie universitaire à la communauté locale et transformant la bibliothèque en un « lieu de vie » où les gens peuvent étudier, se détendre et socialiser, tout en intégrant des espaces pour des activités communautaires.

Télescope 27

Écrit par La Société des demains le 10 juillet 2024

Qu’est-ce que la prospective créative ?

Cet article au Réseau Université de la Pluralité propose une distinction entre « anticipation pour le futur », plus utilisée par les entreprises, et « l’anticipation pour l’émergence » qui se concentre, elle, sur la nouveauté. Selon nous, il y a en fait un croisement assez important entre les deux, mais cette élaboration de la prospective créative en vaut la peine. 

La prospective créative se concentre sur la libération de l’imagination et l’exploration de nouvelles possibilités radicales. Elle vise à transformer les conditions du changement en travaillant sur des dynamiques ouvertes. Cette approche considère le futur comme une capacité de transformation et encourage la diversité de visions du monde et des cultures. En s’appuyant sur des pratiques telles que le design fiction et la prospective narrative, elle cherche à ouvrir les esprits à des futurs radicalement différents.

La ville sensée et intelligible

Les cartes (topographiques, géographiques, etc.) jouent un rôle important dans notre compréhension du monde en nous permettant d’y projeter nos propres expériences. L’imbrication de la technologie numérique et de l’espace physique a transformé les villes, élargissant leur portée grâce à des jumeaux numériques qui sont désormais inséparables de leurs homologues physiques. Alors que nous naviguons dans cet environnement hybride, il est essentiel de prendre en compte les interactions complexes entre la technologie, l’aménagement urbain et les expériences humaines pour imaginer la ville du futur. L’évolution des cartes en tant qu’infrastructure souligne l’importance de reconnaître leurs biais et leurs limites, ce qui nous incite à faire preuve de prudence lorsque nous nous fions à elles pour façonner nos perceptions et nos décisions.

Comment réparer le « péché originel » de l’IA

Dans cet article, l’auteur explique bien les complexités entourant les questions de droit d’auteur dans le monde de l’IA, en se concentrant particulièrement sur les modèles d’IA entraînés sur des contenus protégés par le droit d’auteur. Il souligne la nécessité pour les développeurs d’IA de respecter les « signaux de droit d’auteur » (l’intention réelle et les licences ou permissions) et de travailler à la création d’une nouvelle économie de l’IA qui récompense la création de contenu. 


J’ai porté des Meta Ray-Bans à Montréal pour tester leurs capacités de traduction de l’IA. Cela ne s’est pas très bien passé. Signalisation routière, cônes, application qui traduit l’écriture, mais pas le son de la voix, les bugs et limitations se sont avérés nombreux.

Penser hors du cône. Le cône des futurs évidemment, pas ceux sur nos routes comme ci-dessus. L’auteur propose un modèle encore plus ouvert, qui se prête aux développements exponentiels et aux idées invraisemblables, parce que « si nous voulons vraiment explorer l’espace des futurs de manière expansive, nous devons passer par des futurs qui, du point de vue actuel, sont impossibles. »

Les « troisièmes lieux » commerciaux sont-ils en voie de disparition? Les cafés se multiplient et, malgré cela, la plupart semblent quand même toujours occupés, souvent par une foule de gens avec des portables. Certains cafés prennent différentes mesures pour limiter le temps de « squattage » ou encourager la consommation. Ici, l’auteur nous présente le concept du troisième lieu et comment certains commerces se lancent maintenant dans une direction lui étant opposée.

Photo par Brian McGowan sur Unsplash

Comment la loi d’Amara permet-elle de mieux comprendre notre époque?

Écrit par Catherine Mathys le 26 juin 2024

Roy Amara était cofondateur de l’Institute for the Future à Palo Alto, dans la Silicon Valley. Dans le domaine de la prospective, ce sont des pionniers d’une méthodologie qui permet de réfléchir de manière constructive et systématique au futur. 

Roy Amara est surtout connu pour son adage, désormais appelé la loi d’Amara :

Nous avons tendance à surestimer l’effet d’une technologie à court terme et à sous-estimer son effet à long terme.

C’est une phrase qui en dit long et qu’on peut interpréter de différentes manières mais en somme, elle revient à dire que nous nous sommes souvent trompés quand il s’agit d’évaluer l’impact réel d’une technologie dans nos vies. 

En technologie, il existe tout plein de ces « lois » qui nous permettent d’illustrer certains phénomènes. La plus connue et sans doute celle dont vous avez déjà entendu parler est la loi de Moore. 

Cette loi stipule que le nombre de transistors sur une puce double tous les deux ans. Bien qu’elle ne soit pas prouvée scientifiquement, il s’agit d’une observation et d’une extrapolation qui se sont maintenues depuis 1965. On a plusieurs fois annoncé la mort de cette loi mais elle est toujours d’actualité puisqu’on continue toujours de miniaturiser. 

Quels seraient des exemples où la loi d’Amara s’est appliquée?

Il y en a plusieurs. C’est justement ce qui donne sa pertinence à ce principe de surestimation à court terme et sous-estimation à long-terme. 

Commençons par un exemple plus vieux: La course à l’Espace. C’est une course dont l’objectif était de réaliser l’un des plus grands rêves de l’humanité : envoyer des hommes sur la Lune. L’URSS a remporté les premières victoires en mettant Spoutnik 1 en orbite en octobre 1957 et en envoyant le premier homme dans l’Espace en avril 1961. En réponse, en mai 1961, le président Kennedy a lancé à sa nation le défi d’envoyer un homme sur la Lune avant 1970. C’est un défi qui a passionné le monde entier mais qui a aussi séduit l’opinion publique… pour un temps.

Dans cet enthousiasme vif puis faiblissant, on a peu considéré les effets à long-terme. L’angle de la course EU-URSS a pris toute la place et on a vite oublié que l’accélération de l’innovation technologique qui en a découlé aurait un réel impact sur notre quotidien à long-terme. 

Maintenant, il y a toute une économie de l’Espace qui se met en place. Le Forum économique mondial parle d’un marché de 1.8 billions de dollars en 2035 (1000 milliards). Bref, on a pensé que la plus grande innovation était celle des années 60 mais on n’a probablement encore rien vu. 

Un exemple plus récent de l’application de la loi d’Amara? On a moins de distance avec le sujet mais il est tout de même possible d’en tirer des leçons. 
Vous vous souvenez de Clubhouse ? En 2021, tout le monde parlait de l’application audio Clubhouse, un genre de réseau social sans images. On avait l’impression de réinventer les réseaux sociaux, de faire du neuf avec du vieux. On attendait notre invitation avec impatience. On se sentait choisi quand on pouvait enfin accéder aux fameux salons de discussions. Voici ce qui illustre la première partie de l’adage: nous avons tendance à surestimer l’effet d’une technologie à court terme. 

C’était sympathique le temps que ça a duré mais on est passé à autre chose, mais cela rend-il les réseaux sociaux audio obsolètes pour autant? Avez-vous remarqué comment les jeunes de la génération Z communiquent? Le mémo vocal est un mode de communication privilégié pour les jeunes. 

Quand je faisais ma maîtrise, on s’offusquait du langage texto. Maintenant, l’audio reprend ses droits mais sous une autre forme. Une partie des communications sociales passe par la voix. Et puis il n’y a pas que les jeunes, la Silicon Valley se passionne pour AirChat, un genre de Twitter vocal. Soyons attentifs à ce genre de phénomène qui ne se limite pas à un nom ou une application en particulier mais qui nous porte à réfléchir sur nos comportements en société. Parce que oui, nous avons tendance à… sous-estimer l’effet à long terme. 

Comment ça s’applique l’IA et à cette période effrénée qu’on vit en ce moment?

C’est un schéma qui s’applique aussi à l’IA. Une grande promesse au départ, une déception, puis une confiance croissante dans des résultats qui dépassent les attentes initiales. 

L’IA a été surestimée à plusieurs reprises et ses perspectives à long terme ont longtemps été  sous-estimées. Quand l’enthousiasme initial s’amoindrit, on appelle ça des hivers. Et il y a eu plusieurs hivers de l’IA où l’intérêt et le financement n’étaient plus au rendez-vous. Le premier a eu lieu de 1974-1980 et le second de 1987 à 1994. 

Le cycle se ressemble à chaque fois. Le sujet suscite les passions. On se dit que ça y est, notre quotidien ne sera plus jamais le même. Et puis, les déceptions surviennent, la recherche stagne, et on n’assiste finalement pas à la révolution attendue. 

D’ailleurs, plusieurs pensent qu’on ne serait pas à l’abri d’un 3e hiver de l’IA. C’est que la surenchère médiatique qui s’y rattache mène à des attentes démesurées. C’est comme une seconde course à l’espace, sauf que là c’est la course à l’IA. Mais en ressent-on réellement les effets tangibles? 

Est-ce qu’on a surestimé le bond technologique à court terme? Sam Altman d’OpenAI, le visage du boom de l’IA, a déclaré plus tôt cette année que les modèles d’IA capables d’accomplir la plupart des tâches génératrices de revenus mieux que les humains arriveront dans un avenir « raisonnablement proche ». Sauf qu’il a aussi dit que les gens seront probablement déçus de son potentiel transformateur. En somme, les attentes sont si hautes que personne ne pourra les combler. 

Alors ce n’est pas du court terme qu’il faut tant se préoccuper, c’est du long terme qu’on sous-estime souvent. Si un 3e hiver de l’IA survient et qu’on se désintéresse d’outils qui ne remplissent pas leurs promesses, les avancées vont se poursuivre plus lentement, différemment et il est possible que le réveil du printemps soit encore plus perturbateur que prévu. 

Comment peut-on appliquer l’idée maîtresse de la loi d’Amara?

Soyons patients : ne nous laissons pas emporter par l’engouement du moment. Concentrons-nous plutôt sur le potentiel à long terme d’une technologie plutôt que de ses applications immédiates.

Mettons régulièrement à jour nos connaissances et notre compréhension des avancées technologiques pour prendre de meilleures décisions. Les progrès annoncés ne sont pas toujours de grands bonds en avant. 

En conclusion, la loi d’Amara nous rappelle l’importance d’adopter une perspective à long terme lorsqu’on évalue les nouvelles technologies. En restant informés, patients et critiques, on peut mieux comprendre la suite des choses.


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