Télescope

L’équipe de la Société des demains est constamment à l'affût de signaux du futur, ces bribes de possibilités et indices de changements. C’est ici, dans Télescope, que nous répertorions les signaux les plus utiles, ainsi que les tendances et conclusions que nous en dégageons. Que ce soit par l’infolettre du même nom – envoyée aux deux semaines – ou directement sur cette page, restez au courant de nos explorations.

Photo de Mériol Lehmann, pour son exposition De nos champs s’élèvent poussières.

Télescope 37

Écrit par La Société des demains le 8 janvier 2025

Quel(s) numérique(s) pour demain ?

Les experts Martin Deron et Benjamin Ninassi soulignent la nécessité de repenser les modèles d’affaires numériques pour les rendre compatibles avec les contraintes écologiques et énergétiques. Selon eux, une réflexion s’impose sur ce à quoi pourraient ressembler des infrastructures et des usages numériques en phase avec des ressources limitées et face aux risques climatiques croissants. Il est essentiel de questionner l’utilité des technologies existantes et de ne pas se contenter d’optimisations isolées, mais d’intégrer des critères éthiques et socio-écologiques dans le développement numérique. Ils affirment que la maîtrise des impacts environnementaux du numérique est cruciale pour soutenir la transition vers des modes de vie plus soutenables.

Le débat sur le télétravail se poursuit

Sébastien St-Hilaire explore la tendance croissante des entreprises, comme Amazon, à exiger le retour des employés au bureau après l’essor du télétravail. Bien que ce dernier ait permis une meilleure qualité de vie et un équilibre entre vie professionnelle et personnelle pour de nombreux travailleurs, il a également engendré des problèmes d’isolement social et de difficulté à se faire remarquer dans un environnement virtuel. Au Québec, un modèle hybride est privilégié, mais des préoccupations économiques émergent concernant la vitalité des centres-villes et la possibilité de délocalisation des emplois vers des régions à coûts inférieurs. L’auteur souligne également la nécessité de réinventer le rôle du bureau tout en protégeant les emplois locaux face à ces dynamiques mondiales.

À quoi ressemblerait un monde où l’énergie est abondante ?

Contrairement aux experts cités dans le premier article, dans cet entretien, Deb Chachra nous encourage plutôt à envisager un avenir caractérisé par l’abondance d’énergie propre et l’amélioration des infrastructures. Elle affirme que les énergies renouvelables–en particulier l’énergie solaire–ont le potentiel de transformer nos vies en offrant un accès équitable à des ressources essentielles telles que les transports et l’eau potable. Mme Chachra insiste sur l’importance de traiter l’énergie comme un bien public, en encourageant l’accès décentralisé et l’innovation pour créer un avenir durable. En fin de compte, elle pense qu’en se concentrant sur la construction d’un système énergétique résilient et abondant, nous pouvons lutter contre le changement climatique tout en favorisant une société plus équitable.


Le véhicule autonome est-il le futur des transports publics ? L’auteur et ses trois invités explorent l’avenir des véhicules autonomes dans les transports publics, en mettant en lumière les différences entre Tesla et Waymo en termes de niveaux d’autonomie et de performance. Bien que les robotaxis comme ceux de Waymo soient opérationnels et compétitifs, des défis subsistent concernant leur efficacité et la gestion des clients. Un regard un peu plus critique aurait cependant été bienvenu.

La transformation de l’agriculture vue des airs. Court documentaire présenté à la Semaine verte de Radio-Canada. « Mériol Lehmann, artiste aux racines agricoles, documente la transformation de la ruralité au Québec. Souvent représentée par des images datant des années 50, il choisit le drone pour capter la réalité agricole productiviste d’aujourd’hui avec des vues insolites. »

« Enterrer le voyage parce qu’il pollue n’est pas la solution. » En octobre nous avions partagé un article titrant que « La forme de tourisme la plus radicale, c’est de rester chez soi ». Usbek & Rica,nous présente cette fois-ci le contrepoint avec Lucie Azema, qui « soutient qu’il ne faut pas laisser la crise environnementale freiner la découverte de cultures étrangères, au risque de fragiliser la démocratie ».


L’éditorial de la semaine

Quelles sont les mégatendances qui vont continuer de marquer notre utilisation de la technologie en 2025?

Écrit par Catherine Mathys le 8 janvier 2025

En ce début de l’année, je propose qu’on prenne un pas de recul et qu’on observe certaines des grands courants qui orientent l’utilisation des technologies qui peuplent nos vies. En prospective, on appelle ça des moteurs de changements. On a souvent les yeux rivés sur l’iceberg qu’on voit au-dessus de la surface de l’eau mais on s’intéresse moins souvent aux courants de fonds qui orientent, qui dirigent l’iceberg dans une direction ou dans une autre. Voici quelques mégatendances qui ont eu une influence en 2024 et qui vont probablement poursuivre leur influence en 2025.  

L’environnement avant tout

Certaines solutions technologiques simplifient et normalisent la transition vers un autre mode de consommation. 

Le changement climatique reste le principal risque mondial pour la troisième année consécutive, selon le plus récent rapport AXA sur les risques globaux. Ils ont sondé 3 000 experts dans 50 pays et 19 000 citoyens dans 15 pays. La réponse est unanime, l’urgence, c’est le climat. Même son de cloche du côté du Forum économique mondial qui démontre dans son rapport sur les risques globaux que ces préoccupations vont s’accumuler. Près de 1500 experts à travers le monde estiment que dans 10 ans, le top 5 de la liste des risques globaux sera de nature environnementale: climat extrême, biodiversité, ressources naturelles. Bref, ces enjeux vont assurément continuer de nous préoccuper et d’orienter certains de nos choix technologiques. Bien sûr, une prise de conscience ne se traduit pas toujours par des changements de comportement, les bonnes intentions étant souvent contrecarrées par des obstacles comme les coûts élevés et la tyrannie de la commodité (voir cet excellent texte du professeur Tim Wu). 

En 2024, on a vu certaines solutions technologiques prendre de l’ampleur et s’attaquer non seulement aux comportements individuels, mais aussi aux modèles de consommation au sens large. En voici deux exemples :

Vous voulez entendre parler de technologie utile? En voici un exemple. Faircado est une startup basée à Berlin. Elle a remporté la compétition Slush 100 en décembre 2023, décrochant 1 million d’euros pour son plugin de navigateur alimenté par l’IA, qui trouve des options d’articles usagés moins chers sur le web. En partenariat avec plus de 50 plateformes, comme eBay, cette startup simplifie l’expérience d’achat d’occasion et génère des revenus grâce à des commissions et des frais pour la redirection du trafic.

Leur IA s’appelle Gregor et elle a été entraînée pour trouver des articles d’occasion qui correspondent à ce que vous cherchez. L’objectif est de répondre à la fragmentation du marché de l’occasion et de satisfaire la demande croissante des consommateurs pour des achats durables. Faircado prévoit développer une application mobile. 

Dans la même veine, pour freiner la surconsommation, on a une solution québécoise. Partage Club a vu le jour en 2023 et a pris de l’ampleur l’an dernier. L’entreprise a remporté le titre de startup de l’année au Gala de la Communauté startup 2024 fin novembre. Le concept est simple, l’application permet de faciliter le prêt d’objets entre voisin.e.s. La plateforme compte déjà 17 000 abonnés qui peuvent s’abonner au mois ou à l’année. 

Parmi les principales catégories : articles de cuisine, électroniques, articles pour enfants, équipements de sport, outils de jardinage et entretien, et bien plus. Je participais à un panel avec la fondatrice Fauve Doucet, en décembre, et elle a parlé de son premier emprunt, des verres à martini. Pourquoi en acheter pour les utiliser une fois par an? 

Ici encore, la technologie se met au service des préoccupations environnementales grandissantes des gens. 

Le multisensoriel en tout genre

En 2024, les entreprises Snap et Meta ont dévoilé de nouvelles lunettes de réalité augmentée. En septembre, Snap a annoncé la cinquième génération de son produit Spectacles, qui peut superposer des éléments numériques au monde physique. 

Plus tard dans le mois, Mark Zuckerberg a présenté de nouvelles lunettes AR légères lors de sa conférence annuelle. Le prototype, baptisé Orion, est également capable de superposer du contenu 2D et 3D sur le monde réel et utilise l’IA pour analyser les usages et fournir aux porteurs des suggestions proactives.

Cet appareil peut être commandé par des gestes de la main, mais également via des signaux corporels grâce à des bracelets connectés. Ça me rappelle aussi mon essai de l’Apple Vision Pro en mars dernier à SXSW. Il y a toute une gestuelle à apprivoiser pour bien l’utiliser. Mais est-ce que trop d’informations, c’est comme pas assez? 

Parallèlement à ces innovations, on assiste étonnamment à un retour des contrôles physiques. Nous avons besoin de toucher, de poser nos doigts sur un bouton et d’obtenir quelque chose en le tournant ou le poussant. On vous avait présenté cet article dans notre calendrier de l’Avent. Après les écrans tactiles partout, les boutons sont de retour. On y rappelle qu’Apple a ajouté deux nouveaux boutons à l’iPhone 16, que les appareils ménagers comme les cuisinières et les machines à laver reviennent aux boutons rotatifs, et que plusieurs constructeurs automobiles réintroduisent des boutons et des cadrans sur les tableaux de bord et les volants.

Cette tendance s’appelle la « re-boutonisation », selon The Wall Street Journal. Rachel Plotnick, professeure associée à l’Université de l’Indiana à Bloomington, est l’une des principales expertes des boutons et de leur interaction avec les utilisateurs (job de rêve). Elle étudie la relation entre technologie et société, en se concentrant sur des technologies quotidiennes souvent négligées. Elle pense que cette tendance pourrait être liée à un besoin de sensations tactiles mais aussi à une fatigue des écrans. Selon elle, le bouton est peut-être une façon de dé-technologiser notre quotidien, dans une certaine mesure. Cela ne veut pas dire que les boutons et les écrans ne fonctionnent pas bien ensemble—on risque de voir un meilleur mélange des deux dans les prochaines années. 

La technologie qui nous aide physiquement

Avec ChatGPT et l’IA générative, on a beaucoup parlé de la technologie qui nous apporte un soutien cognitif. On parle beaucoup moins de celles qui nous apportent un soutien physique. Non, on n’est pas encore rendus à avoir un robot humanoïde qui fait nos tâches ménagères à notre place (quoique le CES qui bat son plein semble porter quelques promesses en ce sens) mais on a vu apparaître d’autres formes de technologies qui ont un réel impact physique et qui augmentent nos capacités. 

L’été dernier, la startup de mobilité Skip et le géant de l’équipement de plein air Arc’teryx ont uni leurs forces pour lancer un dispositif portable motorisé conçu pour améliorer la mobilité en plein air, en augmentant l’endurance et en réduisant la douleur. En utilisant des systèmes motorisés et des algorithmes pour offrir une assistance intuitive. Le MO/GO est ni plus ni moins qu’un pantalon motorisé qui permet aux utilisateurs d’affronter des dénivelés plus intenses. 

La technologie offre une propulsion accrue de 40 % aux muscles des jambes lors des montées et soutient les genoux pendant les descentes, grâce à un moteur alimenté par batterie, relié à un ensemble de capteurs et à un module informatique qui prédit et assiste les mouvements de l’utilisateur. Il est en prévente mais vous allez devoir attendre un an avant de l’avoir dans vos mains (ou sur vos jambes). 

Autre exemple, Hyundai Motor et Kia Robotics ont dévoilé le X-ble Shoulder, un robot portable conçu pour soutenir les tâches en hauteur et réduire les tensions musculo-squelettiques. L’appareil diminue la charge sur les épaules de 60 % et l’activité musculaire de 30 %. Le but est d’améliorer le confort et la sécurité des travailleurs dans de nombreux secteurs, notamment la construction, la construction navale, l’aviation, l’agriculture et l’industrie automobile.

Cet appareil s’inscrit également dans une autre transformation majeure des dynamiques du travail : Hyundai et Kia mettent l’accent sur les avantages des robots portables pour les travailleurs âgés, en notant qu’à l’échelle mondiale, 150 millions d’emplois seront occupés par des travailleurs de plus de 55 ans d’ici 2030.

Le X-ble Shoulder sera lancé en Corée du Sud début 2025, avec une expansion mondiale prévue. Les développements futurs incluront le X-ble Waist, pour les tâches qui nécessitent de lever des objets lourds, et le X-ble MEX, pour la réhabilitation des troubles de la marche.

Vive l’imperfection humaine !

Les avancées rapides de la technologie nous incitent à repenser à notre humanité. Le besoin de recentrer l’expérience humaine se fait de plus en plus sentir.

Je lisais un article sur le développement de l’IA en Inde où on suggérait un potentiel changement sociétal vers une valorisation de l’originalité et de l’imperfection à mesure que les capacités de l’IA atteignent de nouveaux sommets. Cette idée pourrait entraîner une résurgence de l’appréciation pour les expressions uniques et individuelles, où les erreurs deviennent des symboles d’authenticité.

À mesure que l’IA continue de s’améliorer, un paradoxe apparaît : bien que nous célébrions sa capacité à atteindre un niveau d’excellence, un désir humain intrinsèque pour l’authenticité—les nuances de l’expérience humaine gagnent en valeur.

Le cas de PI.FYI est intéressant. Au départ, c’était une infolettre qui, depuis l’été dernier, est en voie de devenir une plateforme. PI veut dire Perfectly Imperfect. On cherche précisément cela, l’imperfection. 

C’est essentiellement un site de listes de recommandations humaines. Chaque entrée consiste en une recommandation par un invité : livres, films, albums, vêtements, mais aussi des états d’esprit, des modes d’action ou des routines d’exercice.

PI.FYI ne ressemble pas vraiment à un réseau social moderne. Il s’inspire de l’esthétique rétro d’internet. En dehors du texte et des images statiques, il n’y a pas d’autres médias. Il n’y a pas de publicités. Les utilisateurs peuvent choisir la couleur d’arrière-plan de leur profil. On y trouve également un répertoire bien visible, au charme rétro, qui répertorie tous les utilisateurs du site. Vous devez choisir la liste de qui vous souhaitez consulter, ce n’est pas un algorithme qui le fera pour vous. Vous risquez aussi davantage de tomber sur des suggestions qui vous feront sortir de votre bulle de filtre. 

En terminant, un dernier clin d’œil à l’imperfection. Nonna’s Cam est un projet créatif où deux artistes ont créé un appareil photo avec un doigt réaliste devant l’objectif pour recréer les vieilles photos imparfaites de jadis où on retrouvait souvent le doigt de quelqu’un dans un coin de la photo. C’est un hommage, disent-ils, aux erreurs du passé qui finissent par nous manquer dans une ère de la perfection. Je rêve qu’ils en fassent une application !


L’infolettre de la semaine

« Imaginer l’avenir en collaboration », interprété avec Midjourney.

Télescope 36

Écrit par La Société des demains le 11 Décembre 2024

Les quatre prismes de l’anticipation

Matthieu Gioani et Romain Fenouil présentent quatre prismes complémentaires permettant aux organisations d’appréhender le futur: la menace, l’opportunité, la contrainte et l’idéal. Chaque prisme étant défini par des caractéristiques telles que le focus, les principes structurants, l’état final recherché et la façon de voir le monde. L’auteur souligne l’importance pour les organisations de reconnaître leur prisme dominant et d’explorer plusieurs de ces prismes pour enrichir leur réflexion stratégique. Il insiste finalement sur la nécessité d’adopter le prisme de la contrainte dans le contexte actuel de raréfaction des ressources et de tensions croissantes. Notons que, malgré le vocabulaire similaire, les auteurs ne parlent pas ici de création de scénarios lors d’un processus de prospective, mais plutôt d’une posture d’observation.

L’IA pour résumer des États généraux

Un peu curieux cet article en deux parties dans Le Devoir. C’est sur la fascinante seconde partie que nous attirons votre attention. Suite aux États généraux de l’itinérance, à Québec, la déclaration commune qui y fut préparée a été en bonne partie générée par une intelligence artificielle. « Hier soir, on a fait 127 versions différentes de la déclaration par différents modèles d’IA et on les a fait évaluer entre modèles d’IA par d’autres IA pour aller faire ressortir les points de divergence, les points de convergence, les angles morts, etc. » Tous les documents produits pendant les discussions ont été « ingérés » par l’outil, qui isolait ensuite les thèmes récurrents. Quand on sait que certaines déclarations de ce type peuvent demander 18 mois de travail, cet essai semble prometteur. Notons tout de même que la période de synthèse étant elle-même d’une grande importance, une solution hybride mélangeant outil et réflection humaine serait peut-être de mise.

Imaginer l’avenir en collaboration peut rapprocher les gens 

Imaginer ensemble un avenir commun peut renforcer de manière significative les sentiments de proximité et de connexion entre les individus, comme l’ont démontré des recherches récentes. Cette étude a exploré le concept de co-imagination, où les participants ont travaillé ensemble pour envisager des expériences futures positives, conduisant à des liens plus forts par rapport à ceux qui ont imaginé indépendamment ou se sont engagés dans des tâches sans rapport. Le processus de co-imagination favorise non seulement les liens sociaux, mais aide également les individus à aligner leurs visions de l’avenir, ce qui en fait un outil précieux pour renforcer les relations. Dans l’ensemble, la co-imagination semble être une première étape importante vers la création d’un avenir commun, soulignant la nature collective de nos aspirations.


La discrimination génétique nous guette tous. On y traite du problème croissant de la discrimination génétique aux États-Unis, où les assureurs peuvent refuser ou modifier la couverture sur la base des informations génétiques des individus, malgré les protections offertes par la loi sur la non-discrimination en matière d’informations génétiques (Genetic Information Nondiscrimination Act, GINA). Étant donné que de plus en plus de personnes se soumettent à des tests génétiques, celles qui présentent des mutations identifiées risquent de voir leurs primes augmenter ou de se voir refuser des polices, même si elles sont asymptomatiques. 

Google dévoile une puce quantique « époustouflante ». Annonce peut-être aussi intéressante pour les promesses du quantique que pour le spin de tels dévoilements, puisqu’on y mentionne aussi que « Willow est, pour l’instant, un dispositif largement expérimental, ce qui signifie qu’un ordinateur quantique suffisamment puissant pour résoudre un large éventail de problèmes du monde réel est encore à des années – et à des milliards de dollars – de se concrétiser ».

Des sons pour combattre le bruit urbain. Des chercheurs de l’Université McGill ont mené une expérience au parc des Fleurs-de-Macadam à Montréal pour atténuer le bruit urbain en introduisant des sons de nature, de mer et des synthétiseurs. Les résultats ont montré que ces environnements sonores réduisaient la perception des bruits de la circulation et des chantiers de construction, les sons de synthétiseurs étant les plus efficaces. Ce projet s’inscrit dans une recherche plus large sur le masquage du bruit, qui pourrait avoir des implications sur la santé mentale et physique des citadins.

Des planches de la bande dessinée documentaire Ressources. Un défi pour l’humanité. Photo: Casterman

Télescope 35

Écrit par La Société des demains le 27 novembre 2024

Une bande dessinée qui fait un retour vers les futurs 

Le nouvel album de bande dessinée documentaire Ressources. Un défi pour l’humanité explore les enjeux liés à la consommation des ressources non renouvelables et remet en question les utopies de « technophilie délirante », comme celles proposées par Jeff Bezos. Les auteurs, Philippe Bihouix et Vincent Perriot, y dialoguent sur trois perspectives : l’optimisme technologique, le pessimisme face à la surconsommation, et une voie modérée prônant une civilisation techniquement soutenable. Ils soulignent la nécessité de repenser notre façon de produire et d’utiliser les objets afin de préserver les ressources pour les générations futures. ◗ Aussi dans le créneau BD documentaire engagée, le superbe Monde sans fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici est à lire.

Créer des aliments à partir de « rien »

Une nouvelle vague d’entreprises de biotechnologie, telles que Air Protein et Solar Foods, sont les pionnières de la production de protéines microbiennes, visant à créer des aliments à partir de dioxyde de carbone et d’hydrogène dans un processus utilisant beaucoup moins de surface agricole et d’eau que les méthodes traditionnelles. Ces « agriculteurs moléculaires » cultivent des bactéries dans des fermenteurs stériles, transformant les déchets de carbone en poudres de protéines riches en nutriments qui pourraient révolutionner la production alimentaire. Face à l’augmentation de la demande mondiale en protéines, cette approche innovante pourrait libérer la production alimentaire des limites de l’agriculture conventionnelle, en particulier dans les régions où les terres arables sont peu nombreuses.

Les créatures mythologiques sont toujours là, mais dans nos machines

Nicolas Nova, anthropologue et auteur de Persistance du merveilleux, explore dans ce nouveau livre comment les créatures mythologiques telles que les trolls et les fantômes ont migré de nos imaginaires vers nos environnements numériques. Il souligne que ces figures, souvent présumées disparues, continuent d’exister sous forme de programmes et de métaphores dans notre interaction avec la technologie, notamment à travers la culture geek. Nova évoque également l’impact des intelligences artificielles, qui suscitent des craintes et fascinantes représentations, notamment les shoggoths imaginés par Lovecraft. Selon lui, ces métaphores continuent de jouer un rôle essentiel dans notre compréhension des objets technologiques, contredisant l’idée d’un « désenchantement du monde ».


Vox publie sa liste de penseurs, d’innovateurs et d’acteurs du changement qui transforment le monde. En ces temps de bouleversements, nous avons besoin d’optimistes lucides, de personnes capables à la fois d’imaginer un avenir meilleur et de s’atteler à sa construction. Les 50 personnes figurant sur la liste de cette année incarnent cet esprit. Ce ne sont pas seulement des rêveurs, ce sont des personnes d’action.

Le Japon prévoit un système de transport de marchandises automatisé pour pallier la pénurie de chauffeurs et réduire les émissions. Appelé « conveyor belt road », ce système comprendra des boîtes à roulettes se déplaçant le long d’un corridor dédié entre Tokyo et Osaka, avec un essai qui devrait commencer en 2027 et des opérations complètes attendues pour le milieu des années 2030. Comme les camions transportent actuellement environ 90 % du fret japonais, l’initiative est considérée comme essentielle non seulement pour l’efficacité des transports, mais aussi pour l’amélioration de la sécurité sur les routes.

«Underconsumption core» : quand TikTok se met à la sobriété. Récente tendance qui encourage la déconsommation, promue par des créateurs comme Joannie Panneton et Vicky Payeur, qui partagent leurs expériences de vie minimaliste. Ce mouvement, qui a gagné en popularité depuis juillet 2023, rappelle aux utilisateurs qu’il est possible de vivre avec moins et de consommer de manière plus consciente.

Un aquarium brutaliste au Mexique imagine l’avenir après les changements climatiques

Télescope 34

Écrit par La Société des demains le 13 novembre 2024

Les activistes écolo sont les bons ancêtres d’aujourd’hui

Dans cet entretien au sujet de son livre History for tomorrow, Roman Krznaric souligne que les activistes écologistes actuels s’inscrivent dans une longue tradition de luttes pour la tolérance et le changement social, rappelant des périodes historiques comme celle d’Al-Andalus où chrétiens, musulmans et juifs coexistaient harmonieusement. Il appelle à une réconciliation avec l’Histoire, afin de tirer des leçons des initiatives vertueuses du passé plutôt que de se concentrer uniquement sur les événements tragiques. Krznaric met également en avant l’importance des villes comme espaces de mixité et de dialogue interculturel, ainsi que le potentiel de transformation des collectivités locales et des nouvelles entreprises « qui pourraient devenir des espaces de changement majeurs ».

Les panneaux solaires bon marché changent le monde

Dans The Atlantic, Zoë Schlanger s’attarde à la croissance exponentielle des installations de panneaux solaires, plus spécifiquement sur la capacité « invisible » largement inconnue. Citant des données de Sustainable Energy Africa au Cap, elle explique qu’un grand nombre d’installations domestiques ne sont pas déclarées. « En Afrique du Sud, par exemple, on pensait que la quantité totale d’énergie produite par les systèmes solaires en 2019 était d’environ 500 mégawatts, mais au premier trimestre 2023, lorsque les chercheurs ont utilisé l’imagerie satellite pour compter toutes les installations solaires du pays [en observant la surface installée], ils ont estimé que le solaire produisait une énergie combinée de 5 700 mégawatts, dont seulement 55 % avaient été déclarés au gouvernement. »

Un nouveau lave-vaisselle avec abonnement qui agace

« Un locataire suisse découvre avec surprise que son nouveau lave-vaisselle cache des programmes derrière un abonnement payant. Si cette nouvelle stratégie intrigue certains, elle en laisse d’autres sceptiques. » C’est malheureusement une tendance forte depuis quelques années; alors qu’un nombre grandissant de produits deviennent en partie des ordinateurs, les manufacturiers en profitent pour mettre des barrières aux fonctionnalités et s’inventer de nouveaux revenus. ◗ John Deer empêchait les réparations et considérait les acheteurs de ses tracteurs plutôt comme des locataires. Plus récemment et de manière un peu différente, des propriétaires de véhicules électriques en Chine se retrouvaient avec des voitures non-fonctionnelles ou très limitées quand le manufacturier ferme ses portes et que les logiciels cessent de fonctionner.


◗ Un peu comme les voitures hybrides qui rechargent la batterie à certains moments clés, le vélo Pi POP « repose sur un super système de dynamo amélioré grâce à des super-condensateurs et un système de gestion intelligent. Le vélo récupère votre énergie quand vous pédalez facilement, au freinage et dans les descentes pour vous la restituer quand vous en avez besoin, au démarrage et dans les montées.

Des entreprises offrent des jours de congé pour des voyages bas carbone. On adore! Bon, évidemment, ça prend un réseau de trains qui fonctionne, mais quand même!  « A l’ère du slow travel et de la sobriété énergétique, la réponse de certains employeurs tient en trois lettres : TTR. Nouvel avantage social, le temps de trajet responsable consiste à offrir un ou plusieurs jours de congés supplémentaires aux collaborateurs qui optent pour un moyen de transport à faible émission en CO2 pour partir en vacances. »

Cette IA automatiserait les moments « Eureka » en identifiant les opportunités de brevets grâce à l’analyse d’une vaste gamme de connaissances et en suggérant de nouvelles inventions qui combinent des idées qui n’étaient pas liées auparavant. Cette approche permet aux clients, de grandes entreprises, d’accélérer le processus d’invention et de garder une longueur d’avance dans les secteurs concurrentiels.


Source de l’image: Un aquarium brutaliste au Mexique imagine l’avenir après les changements climatiques.

Télescope 33

Écrit par La Société des demains le 30 octobre 2024

Le pouvoir de l’optimisme radical

Dans cet entretien, Kevin Kelly souligne l’importance de faire preuve d’un « optimisme radical » dans la construction d’un avenir meilleur pour les générations à venir, en nous invitant à repenser notre façon de faire des affaires, d’investir et de structurer la société. Il estime que l’adoption d’une perspective à long terme nous permet de surmonter les revers à court terme et qu’il est essentiel de faire confiance à la prochaine génération pour résoudre les problèmes. Selon lui, l’optimisme n’est pas seulement un trait de personnalité, mais un choix conscient qui peut conduire à des progrès significatifs au fil du temps. ◗ Son propos nous rappelle cette citation d’Antonio Gramsci que nous aimons bien utiliser : « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté ».

Construire un Dieu IA sans notre consentement

Nombre d’entreprises poursuivent avec ambition la création d’une intelligence artificielle générale (AGI), ce qui soulève des préoccupations éthiques, devraient-elles avoir le pouvoir de le faire sans le consentement du public? Les critiques soutiennent que le modèle actuel d’« invention sans permission », où les innovations sont déployées sans rechercher ou accepter l’avis de la société, est antidémocratique et potentiellement dangereux. Selon l’auteure, les décisions susceptibles d’affecter l’ensemble de l’humanité, comme le développement d’une IA superintelligente, devraient faire l’objet d’une délibération démocratique et d’une participation du public.◗ Détail amusant, l’auteure de l’article a étudié à l’Université McGill à Montréal et en a profité pour écrire le roman The Mystics of Mile End.

Bientôt un motel agricole près de chez vous?

Vieillissement de la population, difficulté à transmettre des terres aux enfants, prix élevés pour le démarrage, indépendance alimentaire, réinvention des modèles d’affaires, on peut deviner un peu de tout ça dans ce projet. Éric Janelle, agriculteur à Saint-Germain-de-Grantham, a lancé le premier motel agricole de la région pour aider les jeunes agriculteurs à accéder à des terres sous-utilisées à moindre coût. Ce concept, qui encourage le partage de ressources et d’équipements entre producteurs agricoles, est encore en développement au Québec, avec une dizaine de projets similaires. Les motels agricoles offrent un soutien à long terme aux jeunes entrepreneurs, tout en répondant à un besoin croissant de terres agricoles abordables. Janelle espère accueillir une douzaine de locataires dès 2025, tout en travaillant à rendre son projet plus fonctionnel et visible.


La bibliothèque des possibles. Les futurs expérientiels font partie de nos outils, en voici un bel exemple tout simple, par le toujours pertinent Stuart Candy: Une série de livres du futur, chacun inspiré par le travail et les intérêts d’un·e scientifique ou d’un·e ingénieur·e du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, rendus tangibles et introduits clandestinement dans les rayons des bibliothèques publiques de Los Angeles pour être découverts au hasard des visites. ◗ Si des bibliothécaires sont à l’écoute, n’hésitez pas à nous contacter pour des projets du genre!

◗ Nouvelle série? Sait-on jamais. Chose certaine, c’est toujours sympathique de trouver le langage de la prospective « dans la nature », comme avec cet ami qui disait : « On parle souvent de créer de nouveaux imaginaires dans le cadre de la lutte aux changements climatiques. Voici un bon exemple: LA VOIE. Pas besoin de VUS pour explorer la Provence… 😀 » On peut y remarquer entre autres la jolie Kate électrique.

L’orthosomnie, le trouble des « perfectionnistes du sommeil ». En cherchant à optimiser leur repos grâce à des gadgets connectés, certains utilisateurs risquent paradoxalement de détériorer leur sommeil. Les dispositifs de suivi du sommeil, bien que populaires, ne mesurent en réalité pas grand-chose. Tout juste sont-ils capables de capter la durée totale du sommeil et le temps d’endormissement.

« Bande de prairie » traversant un champ de soya. Crédit photo: Université de l'Iowa.

Télescope 32

Écrit par La Société des demains le 16 octobre 2024

Le projet Sid

« Nous construisons des machines dotées de qualités humaines fondamentales. Pour commencer, des amis qui peuvent jouer à des jeux vidéo avec vous. » C’est ainsi que la société Altera présente son projet d’agents IA. Outre la dérive sémantique et un peu d’hyperbole, cet article expliquant une partie de leur méthode est tout de même fascinant. Le projet se concentre sur la création d’agents dotés d’une « vie mentale riche », leur permettant de raisonner, de réfléchir et d’adapter leurs objectifs en fonction de l’évolution des circonstances. En outre, ces agents forment puis mettent à jour leurs modèles respectifs, facilitant ainsi des conversations et des interactions sociales réalistes. ◗ Toujours dans le créneau « personnage de synthèse », les mannequins de mode risquent le remplacement, particulièrement dans le domaine du commerce électronique.

BOB nous fait perdre le nord

Sympathique exercice de prospective avec un scénario fictif mais plausible (à vous de dire, on peut voter au bas de la page) où un satellite entre en collision avec un « Briseur d’Objets Baladeurs (BOB) » (un débris qui percute un satellite, par exemple un écrou ou un boulon). L’incident conduit à une crise de navigation GPS et la population doit se débrouiller sans cette technologie omniprésente. Des experts fictifs y décrivent les phases de sidération, d’enlisement et d’adaptation face à cette situation inédite, révélant à quel point notre dépendance au GPS affecte notre quotidien. ◗ Dans un processus de prospective exhaustif, il y aurait recherche de signaux, identification des tendances et des moteurs de changement, et ensuite, souvent, rédaction de scénarios selon la recherche et suivants certains paramètres. Le scénario ci-dessus serait un résultat possible.

Baseball Québec flirte avec la réalité virtuelle

Les signaux du futur ne proviennent pas toujours de notre propre domaine, au contraire, d’où l’intérêt de porter attention à une grande variété de sujets et de voir émerger les idées d’un peu partout. Bel exemple ici, alors que Baseball Québec explore l’utilisation de la réalité virtuelle pour aider les frappeurs à mieux percevoir la vitesse et la trajectoire des lancers. Les chercheurs estiment que cette technologie pourrait offrir des répétitions précieuses et réalistes, en particulier pour les joueurs élite. Bien que des tests supplémentaires soient nécessaires, il semble que les casques de réalité virtuelle pourraient bientôt être intégrés dans l’entraînement du baseball mineur au Québec. ◗ Autre exemple: le gardien du Canadien de Montréal, Samuel Montembeault, a travaillé sur son « GPS interne » avec un simulateur.


◗ Cachés dans les champs de maïs du Midwest, de minuscules édens fleurissent, alors que des agriculteurs de la région tentent de restaurer des prairies. L’objectif est de réduire le ruissellement des nutriments provenant des terres cultivées et d’aider les oiseaux et les abeilles. » L’Université de l’Iowa a partagé de magnifiques images de cette technique.

Des citrons et des oranges… du Québec! Mattéo Picone cultive plus de 12 sortes de fruits tropicaux et locaux biologiques dans ses serres à Saint-Cuthbert, au Québec, avec l’objectif d’offrir des paniers de fruits et légumes bios aux familles. Il plaide également pour une meilleure autonomie alimentaire au Québec pour répondre aux changements climatiques, soulignant l’importance de développer des productions locales malgré les difficultés financières. 

◗ Dérives du capitalisme de surveillance; insuffisante prise de responsabilité par les dirigeants des réseaux sociaux; contenus utilisés sans vergogne et sans permission pour entraîner des modèles de Grand modèle de langage (IA). Les excès de grandeur et comportements peu honorables de certains bonzes de la Silicon Valley ne sont pas nouveaux. À ajouter à la liste: ce procès intenté par les promoteurs d’une « ville start-up », qui pourrait entraîner la faillite du Honduras, rien de moins.


L’éditorial de la semaine

Photo par Christian Keybets sur Unsplash.

Revoir les modèles des réseaux sociaux

Écrit par Éveline Olivier le 16 octobre 2024

Dans un article publié dans La Presse en septembre dernier, Alain McKenna présente divers réseaux sociaux, dits «meilleurs», créés comme alternatives répondant à des besoins qui ne sont pas, ou plus, comblés par les plateformes actuelles. L’acquisition de X (autrefois Twitter) par Elon Musk en octobre 2022 et le blocage médiatique de Meta au Canada en août 2023 semblent avoir affecté la manière dont les utilisateur.rice.s perçoivent ces réseaux, ces événements devenant catalyseur du développement d’options plus adaptées. 

Miser sur les petits groupes

En jetant un œil sur l’offre actuelle de réseaux sociaux, l’on se confronte à une  hégémonie formée d’emblématiques géants, Facebook et Instagram (Meta), Youtube (Google), LinkedIn (Microsoft), TikTok (ByteDance) et X pour ne pas les nommer. Certain.e.s expert.e.s réfèrent à ces réseaux dits mainstream en les qualifiant de Dark Forest, théorie d’abord présentée par Yancey Strickler en 2019. Cette forêt sombre de l’internet, peuplée de prédateurs (les publicitaires, les trolls, les faux comptes, etc.), causerait le mutisme d’utilisateur.rice.s qui n’osent pas prendre position dans ces espaces, préférant se réfugier vers des lieux privés, dits « souterrains», pour s’exprimer.  « Pour survivre, les animaux restent silencieux ». 

Ainsi, lorsque l’on observe où ces gens qui restent silencieux sur les plateformes telles Facebook et X, s’expriment, il est possible de découvrir un écosystème vibrant sous cette forêt sombre. Ces individus se rassemblent en petits groupes dans plusieurs espaces de discussion, plus intimes et près de leurs intérêts, que ce soit sur Discord, dans un canal Slack, via une infolettre ou au sein de groupchats. Ces espaces formeraient le Cozy Web, terme désigné par Venkatesh Rao de manière complémentaire au Dark Forest Theory. Ce concept désigne un espace mené par de petites communautés où il serait possible pour des personnes ayant des intérêts et des opinions communs d’échanger par le biais de « flux de discussion » non filtrés pas des algorithmes et à l’abri d’intérêts capitalistes et politiques. Ces endroits accueillent des discussions, mais deviennent aussi des lieux de partage d’informations et de nouvelles. Ils permettent une connectivité accrue entre les utilisateurs et un plus grand respect de la vie privée, actuellement minée par l’utilisation des données opaque des grandes plateformes. 

Ce mouvement privilégiant les petits groupes et un esprit de communauté percole dans la création de réseaux sociaux qui divergent de l’offre mainstream. Le Front Porch Forum (FPF) représente un exemple « à succès » de réseau misant sur une approche de groupe restreint. Lancée au Vermont en 2006 dans une optique communautaire, FPF est d’abord créée pour permettre une cohésion au sein de voisinages. Le réseau regroupe aujourd’hui une multitude de forums locaux permettant aux gens d’une même communauté d’échanger. La modération du contenu et l’identification par adresse civique requise contribuent à la création d’une communauté où l’absence d’anonymat favorise le sentiment de confiance.  

Au Canada, Village Media, une entreprise ontarienne spécialisée en journalisme communautaire, a développé Spaces, un réseau social qui sera lancé d’ici la fin octobre. Dans une approche similaire à FPF, Spaces propose la création de communautés menées et modérées par des hôtes locaux bénévoles. Au sein de celles-ci, plusieurs espaces seront créés pour partager de l’information d’actualité en fonction des intérêts des utilisateur.rice.s. Le réseau social souhaite donc inclure des fonctionnalités similaires à celles des grandes plateformes en misant sur la création d’un engagement permis par les regroupements locaux et la modération humaine. 

Revoir les modèles d’affaires

D’autres initiatives tentent de reproduire un réseau social dont le format s’inspire des géants présentement en place, mais dont le modèle d’affaires diverge de l’approche capitaliste. C’est d’ailleurs ce que propose le réseau social La nouvelle place, de son titre de travail, en adoptant la forme d’une coopérative de solidarité qui, selon son idéateur Steve Proulx, représenterait une innovation en termes de modèle d’affaires. Les utilisateurs auront ainsi l’opportunité de devenir membres, obtenant un vote et pouvant exercer un pouvoir stratégique sur la gestion de la plateforme, notamment sur la manière dont les algorithmes seront développés. Le projet qui devrait être lancé en 2026 se veut une «initiative citoyenne» sans but lucratif qui amène à revoir la manière dont on pense les réseaux sociaux. 

Officiellement constituée le 27 août dernier, la coopérative se positionne d’abord comme répondant au besoin créé par le blocage des nouvelles par Meta, en souhaitant mettre de l’avant une première version sous forme de réseau social d’actualité, à la manière de X. Dans un deuxième temps, l’idéal derrière cette initiative est la création d’une « place publique », un réseau social qui favorise le « bien commun ». Dans une présentation du projet, Steve Proulx décrit la Nouvelle place comme un projet de société. Pour ce dernier, « les réseaux sociaux sont trop importants pour être laissés au marché », ces plateformes impactant notre vision du monde. Le développement d’algorithmes de visibilité transparent, une modération humaine et une gestion prudente des données des utilisateurs comptent parmi les priorités du projet. 

La nouvelle place bénéficie de la contribution de multiples experts et est attendue par plusieurs. En effet, le réseau reçoit l’appui de joueurs importants, notamment de Télé-Québec et du ministère de la Culture et des Communications. 

Quelle place pour ces nouveaux réseaux sociaux?

Le succès de ces plateformes dépendra d’une part de la volonté des utilisateur.rice.s à y adhérer. Toutefois, comme le souligne dans un article la professeure agrégée de l’Institut de communication, de culture, d’information et de technologie de l’Université de Toronto, Bree McEwan, « les gens ont-ils envie d’utiliser une autre plateforme de médias sociaux? ». La fatigue des utilisateur.rice.s ne saurait-elle pas freiner l’adoption d’une énième plateforme? L’engagement créé par ces réseaux pourrait répondre à cette question, comme il est possible de l’observer par le cas du FPF. Ainsi, le développement et la multiplication des petites alternatives communautaires pourraient-ils signifier la fin de la sombre forêt des GAFAM? 

Le financement de ces réseaux reste aussi un élément primordial pour assurer leur fonctionnement et leur pérennité. Plusieurs alternatives présentées sont sans but lucratif et dépendent à la fois de subventions, de dons, de commandites, de publicités et de montants versés par les utilisateur.rice.s. Les bailleurs de fonds détiennent ainsi un pouvoir par le versement de sommes vitales pour alimenter les activités, ce qui ne réussit pas à éliminer l’influence politique et économique qui affectent les réseaux sociaux. Il est à se demander comment ces projets réussiront à réellement refléter les besoins de leurs utilisateur.rice.s en conjuguant avec les pressions des agendas des entités impliquées dans leur soutien.


L’infolettre de la semaine

« Tourisme protopique » selon Midjourney.

Télescope 31

Écrit par La Société des demains le 2 octobre 2024

Le tourisme le plus radical, rester chez soi

Entretien avec Aude Vidal, anthropologue, ou on aborde la transformation du tourisme en une économie de consommation rapide, mettant en lumière la tendance à « collectionner » les destinations au détriment de leur exploration approfondie. Elle souligne que 1 % de la population mondiale est responsable de 50 % des émissions de CO2 du transport aérien, ce qui remet en question les solutions actuelles pour réduire l’impact environnemental du tourisme, souvent inefficaces. De plus, les pratiques de tourisme « éthique » profitent principalement à la classe bourgeoise, qui cherche à se distinguer des autres voyageurs, souvent perçus comme responsables du surtourisme. Finalement, elle évoque que la forme de tourisme la plus radicale serait de rester chez soi, en redécouvrant et en sublimant notre quotidien, tout en plaidant pour une réorganisation du temps de travail afin de favoriser des activités plus significatives.

Pour améliorer le système de santé grâce à l’IA

Nous l’avons déjà mentionné, l’arrivée de l’IA ne remplacera pas nécessairement des « jobs » mais plutôt des tâches. Ces trois initiatives dans le réseau de la santé québécois – qui ont pour but de faire face au vieillissement de la population – en sont de bons exemples. On retrouve un rédacteur automatisé de notes cliniques (avec révision et approbation humaine); une application d’optimisation de routes pour les personnes donnant des soins à domicile; et un outil d’aide à la décision qui « prédira le volume d’appels quotidiens à 24 heures, une semaine et quatre semaines d’avis ». Dans chaque cas, on parle ici d’une augmentation des capacités, tout en conservant la validation et la décision finale aux responsables dans le but de délester leur charge de travail.

Les protopies, nouvel horizon pour les scénaristes

Taryn O’Neill invite les scénaristes à dépasser les récits dystopiques et à adopter le concept de protopie, qui envisage un monde progressivement meilleur qu’aujourd’hui. Selon elle, si les récits dystopiques peuvent être divertissants, ils conduisent souvent à un sentiment de fatalité, alors que les récits protopiques mettent l’accent sur la résilience, l’action collective et le potentiel de changement positif. O’Neill encourage les scénaristes à imaginer des avenirs pleins d’espoir, à explorer les technologies émergentes et à aborder les questions sociétales urgentes sous l’angle de la possibilité plutôt que du désespoir.


L’IA générative et la connaissance. Julian Stodd réfléchit à l’impact profond de l’IA générative sur notre relation avec la connaissance, suggérant qu’elle libère la curiosité et recontextualise la création de sens. Il identifie les caractéristiques clés de cette évolution, telles que les moteurs dialogiques qui permettent une exploration en solo sans jugement social, et la récupération agentique qui élargit les frontières de la connaissance.

Il était une fois l’avenir. Très bel exemple de prospective et de design fiction ou vous êtes invités à plonger dans le futur et à explorer New York dans 50 ans. On y trouve une société qui ne se contente pas de faire circuler l’argent, mais qui offre à touste une vie agréable. Dans ce scénario de bond en avant, la ville de New York s’appuie sur son énergie débridée, son innovation et son optimisme pour devenir un modèle de résilience climatique urbaine.

Barcelone transforme les rames de métro en centrales électriques. Chaque fois qu’un train s’arrête en douceur, l’énergie générée par tous ces frottements est convertie en électricité, qui passe par des inverseurs et est distribuée dans l’ensemble du réseau de métro. Un tiers de cette électricité alimente les trains ; le reste alimente les équipements des stations et un réseau croissant de chargeurs de véhicules électriques.


L’éditorial de la semaine

Photo par Adarsh Chauhan sur Unsplash.

Est-ce le début de la fin de Google?

Écrit par Catherine Mathys le 2 octobre 2024

Le 5 août 2024 est un jour historique. Un juge américain a décidé que Google avait agi illégalement pour écraser ses concurrents et maintenir un monopole sur la recherche en ligne. Les États-Unis ont affirmé que Google payait des dizaines de milliards de dollars par an pour qu’Apple, Samsung, et d’autres pré-installent Google comme moteur de recherche par défaut sur toutes les plateformes.

C’est un coup dur pour Alphabet, la société mère de Google, et ce n’est pas terminé. Un deuxième procès antitrust opposant Google au ministère américain de la Justice a débuté le 9 septembre. Cette fois-ci, c’est la publicité qui est au cœur de l’histoire. Est-ce que Google a illégalement monopolisé le secteur de la publicité numérique? L’affaire pourrait avoir des implications considérables parce que bien sûr, la publicité est la principale source de revenus de Google mais aussi pour bien d’autres acteurs numériques. 

Contrairement au premier procès, le ministère de la Justice cherche des solutions spécifiques qui obligeraient Google à démanteler certaines parties de ses activités et à céder une partie de sa technologie publicitaire. Les éditeurs de sites Web qui cherchent à gagner de l’argent grâce à la publicité s’appuient sur cette technologie pour agir comme une sorte d’intermédiaire, permettant aux sites de vendre des publicités sur leurs pages et aux annonceurs d’acheter de l’espace publicitaire pour atteindre des clients potentiels. Google s’accapare alors d’une part importante des dollars publicitaires des deux côtés.

Comment Google est devenu la référence

L’analyste Benedict Evans dit que le monde de la recherche en ligne est pris dans dans un cercle vicieux. Tout le monde utilise Google parce que ce moteur donne les meilleurs résultats, et il a les meilleurs résultats parce que tout le monde l’utilise, et il a donc l’argent à investir pour obtenir des résultats encore meilleurs. 

À cela s’ajoute l’ampleur de l’infrastructure nécessaire pour indexer et analyser l’ensemble du Web (Apple estime que cela coûterait 6 milliards de dollars par an pour égaler Google, en plus de ses dépenses existantes en matière de recherche et d’indexation), ce qui empêche les startups financées par du capital de risque d’entrer sur le marché. Et même si elles en avaient les moyens, elles n’auraient pas le volume de requêtes de Google et donc elles n’auraient pas la qualité des résultats de Google. Dans le monde de la technologie, cela s’appelle un effet de réseau ; en économie, ça s’appelle un monopole.

Mais Benedict Evans indique que le premier procès met en lumière un deuxième cercle vicieux: tout le monde utilise Google parce que c’est l’option par défaut, c’est l’option par défaut parce que c’est le meilleur et parce que Google verse à d’autres entreprises technologiques des milliards de dollars par an en parts de revenus sous forme de « coûts d’acquisition de trafic » pour en faire l’entreprise la plus performante.

En 2022, Google a versé à Apple environ 20 milliards de dollars (environ 17,5 % du bénéfice d’exploitation d’Apple et une part des revenus de 36 %) en plus des autres milliards versés aux autres entreprises. Ce que ça veut dire, c’est qu’au États-Unis, 50 % des recherches ont lieu sur des plateformes pour lesquelles Google a un contrat qui place son produit par défaut. Or, on le sait bien, à moins que l’option par défaut soit terrible, on la garde. Surtout que dans le cas de Google, l’option était souvent meilleure, pour les raisons qu’on vient d’évoquer. 

L’histoire se répète (encore)

Nicholas Thompson, le rédacteur en chef de The Atlantic, a fait une petite vidéo sur LinkedIn récemment pour montrer les parallèles qu’on peut faire entre le procès antitrust de Microsoft en 1998 et celui de Google cette année. D’ailleurs, dans le dans la décision de 277 pages rendue en août par le juge Amit Mehta, on mentionne Microsoft 266 fois

Dans le cas de Microsoft, le tribunal a jugé que l’entreprise monopolisait les systèmes d’exploitation – en partie grâce à des accords exclusifs illégaux avec des fabricants d’ordinateurs et des fournisseurs d’accès Internet – et a ordonné sa scission en deux entités. Tous les accords de Microsoft ont contribué à maintenir les concurrents, comme Netscape, ou tout autre rival, dans une position inférieure. C’est exactement ce qui se passe avec Google, les accords de distribution de Google ont limité le volumes de requêtes de ses concurrents, mettant Google à l’abri d’une véritable menace concurrentielle.

Microsoft a fait appel de la décision et le département de la justice a fini par s’entendre avec elle en 2001. Le règlement a interdit à l’entreprise de conclure des accords avec des fabricants de PC et des fournisseurs d’accès Internet. Il a également obligé Microsoft à partager des parties de son code source alors privé avec d’autres développeurs de logiciels afin qu’ils puissent rendre leurs applications disponibles sur Windows.

Le ministère de la Justice n’a pas encore proposé de remède aux actions de Google, ce qui devrait venir en août 2025. Une variété de résultats sont possibles, mais plusieurs s’attendent à voir une interdiction des accords de distribution exclusive de Google, compte tenu de l’issue de l’affaire Microsoft.

Est-ce qu’on pourrait (enfin) voir apparaître de nouveaux moteurs de recherche?

À l’époque, l’accord conclu entre Microsoft et la justice américaine avait marqué le début de la fin de son navigateur autrefois dominant, Internet Explorer. On ne sait pas si l’on peut en dire autant de la recherche Google, qui a jusqu’à présent réussi à tirer son épingle du jeu. Mais la question se pose: est-ce que Google va connaître le même sort qu’Internet Explorer?

En tous cas, une interdiction des accords exclusifs de Google saperait sa domination et permettrait à des concurrents d’émerger, surtout à un moment de l’histoire où l’IA revampe notre manière de faire des recherches sur le web. OpenAI a récemment dévoilé son propre moteur de recherche, SearchGPT. D’autres, comme Arc Search sont également dans la course et il y en aura sûrement d’autres. Certains évoquent la possibilité qu’Apple puisse développer son propre moteur de recherche mais c’est peu probable, en tous cas, pas sur le modèle classique du moteur de recherche. N’oublions pas qu’Apple risque de devoir se passer du petit chèque de 20 milliards par année de Google. 

L’histoire récente des technologies nous montre que tout est cyclique et que les géants de la recherche en ligne finissent par tomber au profit de plus petits qui deviennent ensuite des géants et ainsi de suite. Est-ce que le passé nous donne à nouveau un aperçu d’un futur possible?


L’infolettre de la semaine