Quelles sont les mégatendances qui vont continuer de marquer notre utilisation de la technologie en 2025?

Écrit par Catherine Mathys le 8 janvier 2025

En ce début de l’année, je propose qu’on prenne un pas de recul et qu’on observe certaines des grands courants qui orientent l’utilisation des technologies qui peuplent nos vies. En prospective, on appelle ça des moteurs de changements. On a souvent les yeux rivés sur l’iceberg qu’on voit au-dessus de la surface de l’eau mais on s’intéresse moins souvent aux courants de fonds qui orientent, qui dirigent l’iceberg dans une direction ou dans une autre. Voici quelques mégatendances qui ont eu une influence en 2024 et qui vont probablement poursuivre leur influence en 2025.  

L’environnement avant tout

Certaines solutions technologiques simplifient et normalisent la transition vers un autre mode de consommation. 

Le changement climatique reste le principal risque mondial pour la troisième année consécutive, selon le plus récent rapport AXA sur les risques globaux. Ils ont sondé 3 000 experts dans 50 pays et 19 000 citoyens dans 15 pays. La réponse est unanime, l’urgence, c’est le climat. Même son de cloche du côté du Forum économique mondial qui démontre dans son rapport sur les risques globaux que ces préoccupations vont s’accumuler. Près de 1500 experts à travers le monde estiment que dans 10 ans, le top 5 de la liste des risques globaux sera de nature environnementale: climat extrême, biodiversité, ressources naturelles. Bref, ces enjeux vont assurément continuer de nous préoccuper et d’orienter certains de nos choix technologiques. Bien sûr, une prise de conscience ne se traduit pas toujours par des changements de comportement, les bonnes intentions étant souvent contrecarrées par des obstacles comme les coûts élevés et la tyrannie de la commodité (voir cet excellent texte du professeur Tim Wu). 

En 2024, on a vu certaines solutions technologiques prendre de l’ampleur et s’attaquer non seulement aux comportements individuels, mais aussi aux modèles de consommation au sens large. En voici deux exemples :

Vous voulez entendre parler de technologie utile? En voici un exemple. Faircado est une startup basée à Berlin. Elle a remporté la compétition Slush 100 en décembre 2023, décrochant 1 million d’euros pour son plugin de navigateur alimenté par l’IA, qui trouve des options d’articles usagés moins chers sur le web. En partenariat avec plus de 50 plateformes, comme eBay, cette startup simplifie l’expérience d’achat d’occasion et génère des revenus grâce à des commissions et des frais pour la redirection du trafic.

Leur IA s’appelle Gregor et elle a été entraînée pour trouver des articles d’occasion qui correspondent à ce que vous cherchez. L’objectif est de répondre à la fragmentation du marché de l’occasion et de satisfaire la demande croissante des consommateurs pour des achats durables. Faircado prévoit développer une application mobile. 

Dans la même veine, pour freiner la surconsommation, on a une solution québécoise. Partage Club a vu le jour en 2023 et a pris de l’ampleur l’an dernier. L’entreprise a remporté le titre de startup de l’année au Gala de la Communauté startup 2024 fin novembre. Le concept est simple, l’application permet de faciliter le prêt d’objets entre voisin.e.s. La plateforme compte déjà 17 000 abonnés qui peuvent s’abonner au mois ou à l’année. 

Parmi les principales catégories : articles de cuisine, électroniques, articles pour enfants, équipements de sport, outils de jardinage et entretien, et bien plus. Je participais à un panel avec la fondatrice Fauve Doucet, en décembre, et elle a parlé de son premier emprunt, des verres à martini. Pourquoi en acheter pour les utiliser une fois par an? 

Ici encore, la technologie se met au service des préoccupations environnementales grandissantes des gens. 

Le multisensoriel en tout genre

En 2024, les entreprises Snap et Meta ont dévoilé de nouvelles lunettes de réalité augmentée. En septembre, Snap a annoncé la cinquième génération de son produit Spectacles, qui peut superposer des éléments numériques au monde physique. 

Plus tard dans le mois, Mark Zuckerberg a présenté de nouvelles lunettes AR légères lors de sa conférence annuelle. Le prototype, baptisé Orion, est également capable de superposer du contenu 2D et 3D sur le monde réel et utilise l’IA pour analyser les usages et fournir aux porteurs des suggestions proactives.

Cet appareil peut être commandé par des gestes de la main, mais également via des signaux corporels grâce à des bracelets connectés. Ça me rappelle aussi mon essai de l’Apple Vision Pro en mars dernier à SXSW. Il y a toute une gestuelle à apprivoiser pour bien l’utiliser. Mais est-ce que trop d’informations, c’est comme pas assez? 

Parallèlement à ces innovations, on assiste étonnamment à un retour des contrôles physiques. Nous avons besoin de toucher, de poser nos doigts sur un bouton et d’obtenir quelque chose en le tournant ou le poussant. On vous avait présenté cet article dans notre calendrier de l’Avent. Après les écrans tactiles partout, les boutons sont de retour. On y rappelle qu’Apple a ajouté deux nouveaux boutons à l’iPhone 16, que les appareils ménagers comme les cuisinières et les machines à laver reviennent aux boutons rotatifs, et que plusieurs constructeurs automobiles réintroduisent des boutons et des cadrans sur les tableaux de bord et les volants.

Cette tendance s’appelle la « re-boutonisation », selon The Wall Street Journal. Rachel Plotnick, professeure associée à l’Université de l’Indiana à Bloomington, est l’une des principales expertes des boutons et de leur interaction avec les utilisateurs (job de rêve). Elle étudie la relation entre technologie et société, en se concentrant sur des technologies quotidiennes souvent négligées. Elle pense que cette tendance pourrait être liée à un besoin de sensations tactiles mais aussi à une fatigue des écrans. Selon elle, le bouton est peut-être une façon de dé-technologiser notre quotidien, dans une certaine mesure. Cela ne veut pas dire que les boutons et les écrans ne fonctionnent pas bien ensemble—on risque de voir un meilleur mélange des deux dans les prochaines années. 

La technologie qui nous aide physiquement

Avec ChatGPT et l’IA générative, on a beaucoup parlé de la technologie qui nous apporte un soutien cognitif. On parle beaucoup moins de celles qui nous apportent un soutien physique. Non, on n’est pas encore rendus à avoir un robot humanoïde qui fait nos tâches ménagères à notre place (quoique le CES qui bat son plein semble porter quelques promesses en ce sens) mais on a vu apparaître d’autres formes de technologies qui ont un réel impact physique et qui augmentent nos capacités. 

L’été dernier, la startup de mobilité Skip et le géant de l’équipement de plein air Arc’teryx ont uni leurs forces pour lancer un dispositif portable motorisé conçu pour améliorer la mobilité en plein air, en augmentant l’endurance et en réduisant la douleur. En utilisant des systèmes motorisés et des algorithmes pour offrir une assistance intuitive. Le MO/GO est ni plus ni moins qu’un pantalon motorisé qui permet aux utilisateurs d’affronter des dénivelés plus intenses. 

La technologie offre une propulsion accrue de 40 % aux muscles des jambes lors des montées et soutient les genoux pendant les descentes, grâce à un moteur alimenté par batterie, relié à un ensemble de capteurs et à un module informatique qui prédit et assiste les mouvements de l’utilisateur. Il est en prévente mais vous allez devoir attendre un an avant de l’avoir dans vos mains (ou sur vos jambes). 

Autre exemple, Hyundai Motor et Kia Robotics ont dévoilé le X-ble Shoulder, un robot portable conçu pour soutenir les tâches en hauteur et réduire les tensions musculo-squelettiques. L’appareil diminue la charge sur les épaules de 60 % et l’activité musculaire de 30 %. Le but est d’améliorer le confort et la sécurité des travailleurs dans de nombreux secteurs, notamment la construction, la construction navale, l’aviation, l’agriculture et l’industrie automobile.

Cet appareil s’inscrit également dans une autre transformation majeure des dynamiques du travail : Hyundai et Kia mettent l’accent sur les avantages des robots portables pour les travailleurs âgés, en notant qu’à l’échelle mondiale, 150 millions d’emplois seront occupés par des travailleurs de plus de 55 ans d’ici 2030.

Le X-ble Shoulder sera lancé en Corée du Sud début 2025, avec une expansion mondiale prévue. Les développements futurs incluront le X-ble Waist, pour les tâches qui nécessitent de lever des objets lourds, et le X-ble MEX, pour la réhabilitation des troubles de la marche.

Vive l’imperfection humaine !

Les avancées rapides de la technologie nous incitent à repenser à notre humanité. Le besoin de recentrer l’expérience humaine se fait de plus en plus sentir.

Je lisais un article sur le développement de l’IA en Inde où on suggérait un potentiel changement sociétal vers une valorisation de l’originalité et de l’imperfection à mesure que les capacités de l’IA atteignent de nouveaux sommets. Cette idée pourrait entraîner une résurgence de l’appréciation pour les expressions uniques et individuelles, où les erreurs deviennent des symboles d’authenticité.

À mesure que l’IA continue de s’améliorer, un paradoxe apparaît : bien que nous célébrions sa capacité à atteindre un niveau d’excellence, un désir humain intrinsèque pour l’authenticité—les nuances de l’expérience humaine gagnent en valeur.

Le cas de PI.FYI est intéressant. Au départ, c’était une infolettre qui, depuis l’été dernier, est en voie de devenir une plateforme. PI veut dire Perfectly Imperfect. On cherche précisément cela, l’imperfection. 

C’est essentiellement un site de listes de recommandations humaines. Chaque entrée consiste en une recommandation par un invité : livres, films, albums, vêtements, mais aussi des états d’esprit, des modes d’action ou des routines d’exercice.

PI.FYI ne ressemble pas vraiment à un réseau social moderne. Il s’inspire de l’esthétique rétro d’internet. En dehors du texte et des images statiques, il n’y a pas d’autres médias. Il n’y a pas de publicités. Les utilisateurs peuvent choisir la couleur d’arrière-plan de leur profil. On y trouve également un répertoire bien visible, au charme rétro, qui répertorie tous les utilisateurs du site. Vous devez choisir la liste de qui vous souhaitez consulter, ce n’est pas un algorithme qui le fera pour vous. Vous risquez aussi davantage de tomber sur des suggestions qui vous feront sortir de votre bulle de filtre. 

En terminant, un dernier clin d’œil à l’imperfection. Nonna’s Cam est un projet créatif où deux artistes ont créé un appareil photo avec un doigt réaliste devant l’objectif pour recréer les vieilles photos imparfaites de jadis où on retrouvait souvent le doigt de quelqu’un dans un coin de la photo. C’est un hommage, disent-ils, aux erreurs du passé qui finissent par nous manquer dans une ère de la perfection. Je rêve qu’ils en fassent une application !


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